Le drame des jeunes filles exploitées
** petites filles à l’enfance volée
**Maroc : Human Rights dénonce les exactions contre les jeunes filles de moins de 15 ans
employées comme domestiques
l’ONG Human Rights Watch (HRW) a exhorté jeudi les autorités marocaines à mettre fin à l’exploitation des enfants, majoritairement des filles, de moins de quinze ans, qui travaillent dur comme domestiques pendant 12 heures par jour, 7 jours par semaine, pour des sommes aussi minimes que 11 dollars US par mois. **16.11.2012.
**La souffrance invisible des »petites bonnes » au Maroc
Elles ont entre 6 et 15 ans. Elles ont été placées comme domestiques dans de riches familles marocaines. Exploitées,
battues, violées: derrière les murs des villas, la détresse des «petites bonnes» est immense.
Elles se réveillent à l’aube et ne se couchent que très tard le soir. Elles ne dorment toujours que d’une oreille,
prêtes à anticiper les besoins des membres de la famille dont elles ne font pas partie.
On les reconnaît à leurs mains de petites
vieilles. Des paumes ridées, usées, élimées, meurtries, à force de nettoyer,
astiquer, éplucher, porter. Les visages semblent plus âgés, empreints d’une
immense lassitude. Les regards plus durs. Mais ces bras-là, ces visages, sont
bien ceux de fillettes de sept ans. Difficile d’imaginer la souffrance derrière
ces yeux baissés et ces épaules voûtées. L’innocence de l’enfance s’est envolée
si vite. Rasha, Farida et Mounia sont des petites bonnes. Employées par de
riches familles marocaines pour 200 Dirhams par mois, soit 19 euros, à
travailler de 6h du matin à minuit, à faire le ménage, la vaisselle, le marché, à s’occuper des petits.
Originaires des campagnes, la plupart de ces
fillettes ont été envoyées par leurs familles pour travailler en ville, placées
par de véritables courtiers en domestiques. «Les filles rurales ont la
réputation de ne pas être malignes ou malsaines, et donc ne peuvent trahir la
maîtresse en volant ou en introduisant un étranger dans la maison», explique le
docteur Chakib Guessous. Plus elles sont jeunes, plus elles peuvent être «dressées» facilement.
66.000 petites filles à l’enfance volée…
On voit tous les jours ces fillettes se trimballer d’un lieu à l’autre. Les «petites bonnes» ont toujours fait partie du
décor au Maroc, jusqu’à ces dernières années. Certaines consciences se
réveillent, lentement mais sûrement. Un projet de loi censé interdire le travail
domestique des enfants devrait bientôt voir le jour. En attendant, 66’000
petites filles portent chaque jour un peu plus les marques de l’enfance qu’on leur a volée…
L’ONG américaine
Human Rights Watch (HRW) s’est penchée sur le sujet. « Au Maroc, 11% des enfants
âgés de six à quinze ans travaillent, ce qui représente l’un des taux les plus
élevés au Moyen-Orient et en Afrique du Nord », a affirmé Clarissa Bencomo,
chercheuse chargée par HRW des droits de l’enfant dans cette région. « En Egypte,
il ne sont que 6% à travailler et pourtant ce taux fait scandale », a-t-elle
précisé lors d’une conférence de presse à Casablanca. Selon Mme Bencomo, environ
600’000 enfants, âgés de six à quinze ans, travaillent au Maroc, dont environ
66’000 petites domestiques.
Les «petites bonnes» sont «à l’intérieur des
maisons mais en marge de la loi»: «Inside the house, outside the law» est le
titre du rapport de 60 pages publié par HRW. C’est le fruit d’une enquête menée
à Casablanca, Rabat et Tanger, entre mai et novembre 2005. Les résultats sont
désormais disponibles intégralement depuis le 18 janvier. La situation est
catastrophique. « Les petites bonnes marocaines travaillent 126 heures par
semaine et subissent des violences physiques et sexuelles de la part de leurs
employeurs. Elles triment entre 14 et 18 heures par jour durant toute la semaine
et sans aucun repos. Elles reçoivent uniquement 4 dirhams par jour ». En gros,
«on n’est pas loin de l’esclavagisme, et très loin de la dérogation prévue par
le Code du travail marocain».
En effet, celui-ci n’inclut pas le travail
domestique… Du coup, il est difficile de venir à bout de ce phénomène, d’autant
plus que les inspecteurs du travail ne peuvent pas, jusqu’à présent, violer
l’intimité des foyers pour s’assurer du bon (ou mauvais) traitement infligé à
ces enfants. Les abus de toutes sortes sont légion: cela va des «simples» coups
de pieds en guise de réveil le matin aux pires sévices sexuels, en passant par
la torture morale. Condamner les responsables est une tache ardue étant donné
qu’il est presque impossible pour ces petites victimes de prouver quoique ce
soit. Presque, parce que certains cas, extrêmes, certes, ont pu être jugés ces
dernières années et la presse en a largement fait écho. Cela démontre un tant
soit peu que les choses commencent tout de même à s’améliorer. Les Marocains
prennent de plus en plus conscience qu’il s’agit d’enfants qui ont besoin de
leurs parents, d’aller à l’école, de jouer…Bref, d’avoir une vie d’enfant.
Le sondage effectué sur le site d’« Aujourd’hui le Maroc » montre que 83% des réactions ont appuyé l’idée de
criminalisation de l’emploi d’enfants pour travaux domestiques. Cette idée suit
son chemin puisque MmeYasmina Baddou, Secrétaire d’Etat chargée de la Famille,
de la Solidarité et de l’Action Sociale, a d’ores et déjà affirmé que le
Ministère de l’Emploi se penche sur un projet de loi dans ce sens-là. Mais les
lois ayant du mal à être respectées au Maroc, encore faudrait-il accompagner
cela de mesures fortement dissuasives et de bonnes campagnes de communication.
Cependant, le problème demeure. Seule une pauvreté extrême doublée d’une grande ignorance peuvent pousser des parents à se séparer de leur enfant, le livrant aux mains d’inconnus qu’il devra baiser matin
et soir. Il faut traiter le mal à la racine, toucher la famille rurale en
premier lieu: créer des projets promoteurs de revenus, généraliser l’accès à
l’eau et l’électricité, rapprocher les écoles des douars (villages) pour
qu’enfin toutes les petites marocaines aient le droit d’être des enfants.
Des séquelles physiques et psychologiques
Ces filles qui rêvaient de vivre en ville une
vie de princesse, découvrent alors l’envers du décor, que même les familles
ignorent. L’exploitation, les vexations, la violence de la maîtresse de maison,
les attouchements du chef de famille.
HRW met l’accent sur les violences réelles que subit la petite
bonne quotidiennement. Battues au fil électrique (Najat, 11 ans), la tête
écrasée contre le mur (Saïda, 15 ans), les témoignages de filles maltraitées
abondent. Une ONG dit « recevoir une centaine de griefs par mois, de petites
bonnes essentiellement, provenant de douars indigents autour de Marrakech ».
Certes, les petites filles interrogées attestent que les familles de classes
moyennes sont plus clémentes que celles de la classe bourgeoise, car plus
enclines à se rapprocher de leurs jeunes employées, alors que les plus fortunés
les traitent comme des servantes. Ceci dit, la discrimination est monnaie
courante. Elle se traduit par des nuits passées à la cuisine, un travail sans
répit, pas de télé, des punitions à la chaîne, etc.
Or, selon l’Organisation internationale du travail, dont les
principes sont adoptés par le Maroc, « être battu, avoir droit aux restes du
repas de la famille, travailler la nuit, ne pas avoir droit de quitter la
maison, cela veut dire que l’enfant travaille sous des conditions contraignantes
et inadmissibles ». Au ministère de l’Emploi, concerné au premier chef, la
réponse est toute prête: « Rien ne nous permettrait de violer l’espace privé des
gens pour s’enquérir de l’Etat de santé d’une petite bonne prétendument
séquestrée”. Et voilà qui justifie le statu quo.
Or, la violence prend des formes encore plus extrêmes
d’exploitation ou au moins de harcèlement sexuel. Explication : ces jeunes
filles ont tendance à dire « hadir » (d’accord) à tout ce que leur demandent
leurs bienfaiteurs. « Même lorsqu’elles n’ont pas été victimes de viol, elles
sont vulnérables à l’exploitation sexuelle, parce qu’elles sont en quête d’une
tendresse dont elles ont été privées dans leur enfance », note Clarissa Bencomo,
l’enquêtrice de HRW.
Le rapporteur spécial des Nations Unis chargé du droit des
enfants, a conclu, dès 2002, qu’il y avait au Maroc « un taux élevé de viols et
de mauvais traitements des petites bonnes ». Le comble est que même lorsqu’elles
y échappent, elles ne sont pas sauvées pour autant. La preuve, 36% des
bénéficiaires d’une association de mères célibataires sont d’anciennes petites
bonnes. Donnée que corrobore une étude gouvernementale menée en 2002 sur la
région de Casablanca: « la plupart des mères non mariées ont été domestiques
dans une vie antérieure ». Est-ce une fatalité? HRW considère, enquêtes de
terrain à l’appui, que « le statut de petite bonne mène soit à la rue, au
mariage précoce, à la prostitution ou à un trouble psychologique insurmontable ».
Tiraillées entre le devoir d’aider leur
famille, la tentation de la fugue et la peur de la rue, elles vivent dans des
conditions proches de l’esclavage. En silence. Certaines sont même débaptisées,
si par malheur elles portent un prénom un peu trop à la mode ou le même que sa maîtresse.
Dans le quartier Essaada de Casablanca, le
centre Bayti (« Ma maison ») s’occupe de recueillir ces fillettes et de les
scolariser. «Je me souviens de Rachida qui est arrivée ici vers 7 ans. Elle
avait été violentée, son corps était meurtri de brûlures de cigarettes et de
traces de couteaux, le visage complètement défiguré. C’est la police qui nous
l’a amenée», explique Saïda Saghir, membre du centre. «Ces fillettes qui
s’enfuient ont vécu dans la terreur. Cela laisse irréversiblement des séquelles
psychologiques et physiques».
On mord les petites bonnes!
Encore un cas de maltraitance, sévices corporels: Morsures,
griffures et coups… Ironie du sort! Alors que le monde entier célébrait la
journée mondiale de lutte contre le travail des enfants (dimanche 12 mai),
Halima El Ayadi, une petite bonne, s’est trouvée au seuil d’une mort certaine au
quartier Chrifa à Casablanca.
Pour échapper aux représailles de son employeur, après avoir
cassé accidentellement un vase, la petite fille a tenté de se suicider. Elle
était sur le point de se jeter d’une fenêtre au troisième étage. Heureusement,
des voisins l’ont empêchée d’aller au bout de son acte et l’ont emmenée à l’hôpital Baouafi.
Devant une telle horreur, il est légitime de se demander quel
genre de représailles peut pousser une fillette, âgée entre 12 et 14 ans, à se
jeter du troisième étage. Selon Halima, ses employeurs (la femme en particulier,
le mari et le fils) ne cessaient de la maltraiter. Des traces de coups sur son
corps chétif témoignent de l’atrocité des sévices qu’elle a subis pendant
longtemps. Pour les ecchymoses sur son oeil gauche, «c’est un coup de bâton»,
explique-t-elle, le regard hagard.
Il est difficile d’imaginer l’impact d’un violent coup de
bâton sur ce petit visage. Le corps de Halima est loin d’avoir révélé toutes ses
souffrances. En effet, le dos, les bras, les jambes et d’autres parties du corps
de la petite bonne portent des traces de morsures anciennes, mais bien
apparentes. «C’est la maîtresse de maison qui me mordait», confirme Halima.
«Elle est cruelle et me battait tout le temps. Son mari et son fils faisaient pareil», ajoute-t-elle.
Selon Noureddine Abou Saâd, médecin en chef du service
Pédiatrie à l’hôpital Baouafi, Halima a été victime de morsures, griffures et
coups qui datent de plusieurs mois. Sur le plan psychologique, elle présente les
signes d’un début de dépression: elle est traumatisée et angoissée.
Originaire de la région de Bir Jdid, Halima est orpheline.
Elle travaille chez ses employeurs depuis toute petite. Elle ne sait ni lire ni
écrire, tout simplement parce qu’elle n’a jamais fréquenté l’école. Et n’a
aucune idée de son âge. Selon ses dires, sa mère l’a «cédée» contre la modique
somme de 200 DH par mois.
L’association Insaf compte se présenter en tant que partie
civile dans cette affaire. Nabila Tber de l’association explique que beaucoup de
cas similaires existent. Les employeurs peuvent être condamnés si l’affaire suit
son cours normal. C’est le cas de l’employeur de la petite bonne Sanae, qui a
écopé d’un an et demi de prison ferme pour maltraitance. Les citoyens peuvent
jouer un rôle primordial dans la lutte contre ce phénomène en dénonçant les coupables.
La dérive vers la prostitution
L’histoire de certaines filles domestiques est calquée sur
celle des filles des rues. Mais par contre, elles n’y sont présentes que très
peu. Elles saisissent les opportunités lorsqu’elles se retrouvent à l’abri du
regard de ses maîtres, pour se livrer à la prostitution en cachette.
Quand la révolte gagne les plus excédées, elles descendent dans la rue où d’autres les ont déjà
précédées. Puis la descente aux enfers commence. Elles continuent à travailler
dans les ménages et sont initiées, entre temps, aux joies nocturnes: alcool,
cigarettes, maquillage, nouveau look vestimentaire, le rêve ! Kaltoum, 17ans,
une domestique chez une famille aisée de Casablanca, affirme qu’elle se
prostitue à chaque fois que l’occasion se présente, afin de répondre à certains
de ses besoins. Elle travaille depuis plus de dix ans, et c’est le père qui
empoche son salaire chaque fin de mois, sans même chercher à avoir de ses
nouvelles. Les jeunes filles domestiques qui balancent vers la prostitution,
mentent en ce qui concerne leur âge: les habits et le maquillage outrancier et
même l’alcool, contribuent largement à vieillir leur look. L’argent gagné
contribue pour beaucoup d’entre elles à soigner leur apparence, et à aider leur
famille. Le premier client est souvent une personne de l’entourage. La jeune
fille subit, et souvent déclare qu’elle ne se souvient pas de ce premier
contact: elle décide d’effacer ce mauvais incident de sa mémoire. Une
méconnaissance des maladies sexuellement transmissibles est largement retrouvée
dans ce milieu de filles analphabètes et issues du milieu rural.
Les relations sont souvent tendues entre les employeurs et la domestique. Il en résulte
quelquefois même des situations dramatiques. Certaines petites filles se sont
vengées de la cruauté de leurs patrons en allant même jusqu’à commettre des vols
ou crimes. Les dossiers opposant des employeurs à leurs domestiques s’empilent
dans les tribunaux. Qui doit être condamné ?
Petites bonnes devenues enfants des rues
Bayti, foyer d’accueil à Casasblanca, est un lieu de
résidence pour le enfants qui n’ont pas eut la possibilité de rejoindre leur
famille biologique pour différentes raisons, notamment les petites bonnes.
Elles arrivent en ville et sont donc embauchées par des
riches pour faire le ménage ; si elles tombent malade ou qu’il survient un
quelconque problème, on les remplace et elles se retrouvent dans la rue ou elles
sont soit exploitées dans des réseaux de prostitution ou comme esclave pour
aller vendre des babioles aux touristes. L’œil aiguisé de l’éducateur de rue est
capable de remarquer le contraste vestimentaire du riche et de la petite bonne
qui le suit en portant des affaires. Ce phénomène a récemment été publié dans
les médias au Maroc et suite à ces publications les riches se montrent bien
moins en leur présence dans la rue car cela n’est plus très «populaire».
Le phénomène nouveau est que de plus en plus de ses filles intègrent des groupes d’enfants de la rue.
Des enfants invisibles pour la loi…
Pour endiguer l’exploitation des jeunes filles, le problème vient avant tout de l’application de la
législation. Les textes sont clairs. Selon la convention des Droits de l’enfant, ratifiée par
le Maroc, « un enfant ne peut occuper un travail à partir de 12 ans, que dans un
cadre familial et dans des conditions saines ».
Au Maroc, la scolarisation est obligatoire, le travail interdit en-dessous de 15 ans. Or, aucune de ces lois n’est
respectée. Né après des décennies de tractations le 8 décembre 2003, le
Code du travail marocain n’autorise les moins de 16 ans à « travailler que 10
heures par jour, dont 1 heure de pause ». Nuance, il ne s’agit, dans cette
clause, que de travail agricole, industriel ou artisanal. Et les petites bonnes là-dedans ?
« Un texte de loi était prévu en décembre 2005 pour les
travailleurs domestiques, explique un acteur associatif, mais puisque les droits
de l’enfant n’y sont pas suffisamment protégés, il reste en ballottage entre les ministères ». Ici et là, on justifie son incapacité à venir à bout du fléau. Au ministère de
l’Emploi, les quelque 300 inspecteurs en poste ne suffiraient pas pour
contrôler, outre les entreprises, les ménages. Le comble, explique Khalid Belkoh
de l’Espace associatif, est qu’ils « ne sont pas outillés pour définir ce qu’est
la maltraitance d’une petite bonne et n’ont aucun moyen pour vérifier le nombre
d’heures de travail qu’elle effectue ». Au secrétariat d’état de la solidarité
et la famille, la section « enfants » est le parent pauvre. Il n’y a rien à en
attendre. Et au département de la Justice, rapporte HRW, « les procès sont
rares, d’autant qu’il faudrait à chaque fois deux témoins pour prouver le tort
causé à la petite bonne par son employeur ».
«Les inspecteurs du travail n’ont pas autorité pour enquêter à domicile sur les violations de la loi interdisant le
travail des enfants de moins de quinze ans», ajoute le rapport de HRW. «Le
problème avec les petites bonnes, c’est qu’elles sont invisibles», surenchérit
Lahcen Haddad, responsable d’Adros, un organisme d’alphabétisation à destination
des enfants qui travaillent. «Beaucoup d’autres gamins sont exploités au
travail: dans les garages automobiles, dans l’atelier des artisans. Mais ces
fillettes vivent des situations souvent atroces derrière les murs, loin de tout regard».
Dans son rapport, HRW reproche au «gouvernement marocain le peu d’ardeur à combattre les pires formes
d’exploitation des enfants employés comme domestiques». En mai 2006, un début de
réponse se dessinait avec la présentation par le ministère du Développement
social, de la Famille et de la Solidarité d’un programme national de lutte
contre le phénomène des petites bonnes, intitulé Inqad (« Sauvetage »).
En effet, une campagne nationale visant à sensibiliser aux
dangers de l’embauche de petites bonnes a été lancée dans plusieurs villes du
Maroc. Le mot d’ordre: stopper ou au moins diminuer l’ampleur du phénomène des
petites filles domestiques. La campagne de sensibilisation devra durer un mois
et cibler tous les supports pour une large diffusion. Pour Yasmina Baddou, qui
pilote l’opération, la campagne vise les parents, les employeurs et les intermédiaires.
« Nous voulons que cette campagne sensibilise l’opinion publique dans son ensemble aux dangers inhérents à ce fléau social, qui confisque les droits humains de plusieurs milliers de filles et hypothèquent
leur présent et leur avenir », a déclaré Yasmina Baddou, secrétaire d’Etat à la
Famille, à l’Enfance et aux Personnes Handicapées, à des journalistes, en
janvier 2007 à Rabat. Mme Baddou a indiqué que cette campagne marque le début du
projet Inqad, qui s’inscrit dans le cadre du Plan d’Action National pour
l’Enfance adopté par le Gouvernement l’an dernier [2006, NDLR].
La secrétaire d’Etat à la famille est catégorique: « Le Maroc
qui s’est engagé dans de grands chantiers de développement ne peut plus tolérer
des pratiques qui touchent aux droits fondamentaux ». En effet, le projet Inqad,
composante essentielle du plan d’action pour l’enfance (2006-2016) que la
ministre a dévoilé lors d’une conférence de presse, s’articule autour de trois axes.
Le premier porte sur les réformes juridiques. Un projet de
loi sur le travail domestique a été élaboré. Il fixe l’âge minimum de l’employé,
prévoit des contrats de travail et des mesures répressives à l’encontre des
employeurs de petites filles et contre les intermédiaires qui profitent de la
misère d’une population pauvre et souvent rurale. Cependant, élaborer un texte
est une bonne chose, encore faudrait-il le faire approuver par le Parlement et le mettre en œuvre
Le deuxième axe concerne la sensibilisation. Dans cette
opération, plusieurs actions ont été programmées avec comme idée centrale:
toucher les parents et les employeurs. C’est ainsi qu’une caravane a été
organisée vers les zones pourvoyeuses de petites bonnes. Seront donc ciblés
Casablanca et sa région avec notamment Settat, Khouribga et Kalaât Sraghna. Au
menu également, Marrakech et Rabat et les zones qui les alimentent. Fès et sa
région comme Taza, Taounate, Boulmane et Rachidia. La caravane s’est arrêtée
dans les souks et les douars pour faire prendre conscience à la population sur
les avantages de garder les petites filles sur les bancs de l’école. C’est
l’objectif recherché par Yasmina Baddou. Pour elle, « le travail des petites
filles est un fléau social qui hypothèque l’avenir des enfants et partant le
développement économique et humain de notre pays ».
Cette campagne a proposé une série de spots de
sensibilisation et d’information à la radio et à la télévision. Des forums de
discussion proposant un large éventail de matériels d’information destinés aux
personnes employant des petites bonnes ont été organisés dans les quatre régions
couvertes par le projet (Casablanca, Rabat, Fez et Marrakech). Une caravane
publicitaire a parcoure ces villes, distribuant des matériels de sensibilisation
aux familles qui emploient des petites bonnes et à celles considérées comme
susceptibles de placer leurs jeunes filles sur le marché des emplois domestiques.
Femmes libérées et petites bonnes
Au Maroc où il y a un embryon de classe moyenne qui se dit
porteuse de projet de société moderne et égalitaire, un phénomène d’extrême
exploitation infantile existe toujours, celui des petites bonnes. Le plus
honteux c’est qu’il s’agit souvent de fillettes n’ayant même pas atteint l’âge de la puberté.
Si ce phénomène d’exploitation existait uniquement chez
quelques familles de la bourgeoisie traditionnelle habituées à la ségrégation
des campagnards, on pourrait digérer la chose. Le pire c’est que la classe
moyenne (ou plutôt les ménages à revenu moyen) composée de femmes libérales
enseignantes ou fonctionnaires qui se définissent comme «modernes» pratique
cela. Souvent les sévices infligés aux petites bonnes sont le fait de la femme
qui l’emploie, qui n’a d’autre sujet de discussion dans les salons et même au
bureau que «ma bonne a fait».
La racine du mal vient d’un archétype social car dans
l’inconscient collectif de la femme au Maroc, avoir une bonne est signe de
réussite sociale, de libération de l’aliénation au travail domestique qui colle
à la gente féminine depuis l’aube des temps. Surtout dans une société
patriarcale comme le Maroc. Par ailleurs, le spectre de la femme rivale guette
toujours notre maîtresse de maison qui voit dans la bonne, surtout si elle est
gâtée par la nature, une tentation possible pour son mâle. Ce qui peut arriver
réellement, la seule réaction possible c’est de rendre cette petite bonne la
plus laide possible pour la distinguer de ses propres enfants et la rendre indésirable.
La situation de Casablanca
Le Haut commissariat au plan vient de publier une enquête sur
les filles domestiques à Casablanca, région qui connaît une forte concentration
de ces jeunes employées de maison. Les chiffres portent essentiellement sur
leurs conditions d’accueil et de travail. Réalisée par sondage sur un
échantillon de 529 filles domestiques, cette enquête a révélé que ces filles
travaillent chez des ménages, et résident, à proportions quasi-égales, dans tous
les types d’habitat. Par ailleurs, la grande majorité des employeurs ignorent
les préoccupations et les problèmes concernant les filles qu’ils emploient.
L’enquête a avancé le nombre de petites bonnes âgées de moins
de 18 ans qui travaillent dans la région du Grand Casablanca. Elles sont 22’940
domestiques, dont 59% âgées de moins de 15 ans. La grande majorité de ces filles
est issue du milieu rural. Elles appartiennent à des familles nombreuses, et
plusieurs sont orphelines de père. Cependant 20% de filles trouvent un emploi à
travers des intermédiaires, généralement à travers des agences informelles.
Ce recours à un travail intervient à un âge très précoce dans
la mesure où l’âge moyen de la fille domestique se situe à 10 ans. Certaines de
ces domestiques ont même déclaré être âgées de 5 à 7 ans. Certaines familles
emploient ces petites avec la meilleure bonne conscience qui soit. «On a tiré
cette fille du village. De toute manière, dans ce village, il n’y a pas d’école.
Par conséquent, elle n’aurait jamais été à l’école. Au moins, là, elle mange et
on lui apprend un peu quelque chose», déclare une employeuse. Cependant,
l’écrasante majorité de ces domestiques sont analphabètes, leur
non-scolarisation est due essentiellement au manque de moyens, au refus du
tuteur, ou à l’éloignement de l’école.
Le second volet de l’enquête a porté sur les conditions de
travail de ces fillettes. Ces dernières continuent d’entretenir des contacts
avec leurs familles en recevant les visites de leurs parents, ou en rendant
elles-mêmes visite à ces derniers. Les parents se rendent au ménage employeur
essentiellement pour percevoir le salaire de leur fille, mais se déplacent
rarement pour s’enquérir de ses conditions de vie. En plus des travaux ménagers,
la majorité de ces filles se chargent également des courses. «J’accomplis
simultanément trois tâches: la garde des bébés, les courses et l’accompagnement
des enfants de l’employeur à l’école», se plaint Sanaâ, une petite bonne âgée de
13 ans. Les filles domestiques sont les premières à se lever et les dernières à
se coucher. Une partie d’entre elles ne bénéficie ni de congé annuel, ni de
jours de repos, ni jours de fêtes. Le montant de leur rémunération mensuelle
reste malgré cela, globalement trop faible.
Le témoignage d’Aïcha, 13 ans, domestique perdue dans Casablanca
Un père décédé, 7 frères et sœurs: Aïcha est l’aînée d’une famille pauvre de
la région de Ouezzane au Maroc. Quand une voisine a proposé pour elle à sa mère
un emploi de domestique en ville, la petite fille n’a pas été consultée. La mère
avait confiance et le ménage manquait d’argent: Aïcha s’est retrouvée auprès
d’une famille à Casablanca.
Aïcha était payée une misère. Au village, la voisine, spécialiste de ce genre
de placement et récupérant une commission au passage a trouvé une seconde
famille pour un salaire un peu meilleur. Mais les choses se sont aggravées.
Aïcha a été frappée, maltraitée. Elle a préféré fuir.
Seule dans Casablanca, sans repère, elle a finalement été arrêtée par la
police pour vagabondage. Incapable de donner le nom de son village d’origine,
elle a été envoyée auprès d’un procureur qui l’a placée dans un centre de
détention pour jeunes mineurs. Endroit fort peu épanouissant où se côtoient sans
distinction fillettes privées de famille et jeunes délinquantes. C’est là qu’une
ONG a entrepris d’aider Aïcha à retrouver sa mère. C’est aujourd’hui chose faite
grâce au patient travail accompli à partir des quelques indications qu’Aïcha a
réussi à donner. La jeune fille vit aujourd’hui auprès de sa famille.
Pour elle, le cauchemar est terminé. Mais d’autres cas existent au Maroc.
Les témoignages d’Habiba et d’Hafida, deux anciennes « petites bonnes »
De petites mains toutes rouges et abîmées à force de
travailler de longues heures, le crâne rasé, des fillettes mal nourries et mal
logées, battues, ligotées et même brûlées sont autant de traces de violences
exercées sur les enfants domestiques au Maroc, et dénoncées à IPS [Inter
Press Service, NDLR] par Habiba Hamrouch, une ancienne domestique.
« J’en ai vu de toutes les couleurs depuis que j’étais placée
en 1990 dans une famille comme bonne (domestique) », se rappelle Habiba. « C’est
un très mauvais souvenir et j’ai détesté mon père pour ce qu’il a fait de moi,
une pauvre petite bonne qui n’a droit à rien; j’avais juste huit ans quand j’ai
commencé à travailler ».
Selon Habiba, le sort de ses deux sœurs n’était pas meilleur
car elles étaient également placées comme domestiques. « Ma mère, une femme
soumise (à son mari), ne pouvait rien faire, sauf pleurer en silence car on
était vraiment dans le besoin… », ajoute-t-elle, aujourd’hui âgée de 22 ans et mariée.
« C’est scandaleux de voir de petites filles en âge de scolarisation placées comme domestiques; leur place est sur les bancs de l’école avec un livre entre les mains et pas une serpillière ou un balai beaucoup plus
grand que leur taille », déclare Fouzia Tawil, une activiste de l’Association de
défense des droits de la femme et de l’enfant, basée à Casablanca. « Des petites
filles malades et chétives sont toutes à la merci de leurs bourreaux, entre la
vaisselle, le ménage et la garde d’enfants; leur enfance est volée », dit-elle, indignée, à IPS.
La contre-partie du soi-disant travail de ces fillettes, est
une misère payée à leurs parents. « Je n’ai jamais vu le petit rond tout le temps
que j’ai travaillé jusqu’à l’âge de 17 ans », affirme Habiba qui a quitté ses
employeurs pour se marier et vivre enfin une vie comme elle en rêvait.
Aujourd’hui, Habiba a deux enfants, une fille de dix ans qui
va à l’école et un garçonnet de deux ans. « Ma petite Sanaa est ma revanche, je
ferai tout pour qu’elle fasse des études; moi-même, je suis des cours
d’alphabétisation pour pouvoir assurer un suivi à mes enfants », confie Habiba à
IPS, heureuse des résultats scolaires de sa fille qui passe en classe supérieure
avec une bonne moyenne.
Généralement et par pudeur, les fillettes n’osent pas aborder
le harcèlement sexuel dont elles sont souvent victimes, un problème qui reste
tabou, mais, Hafida Hosman a bien voulu en parler. Agée aujourd’hui de 18 ans,
elle raconte à IPS, avec une haine affichée, son expérience chez ses
ex-employeurs. « J’avais 14 ans quand ma mère m’a donnée à une famille riche de
Rabat; leur fils, un adolescent de 16 ou 17 ans, usait de tous ses moyens pour
abuser de moi en l’absence de ses parents sans que je puisse me plaindre ».
Hafida ajoute comme pour se libérer d’un lourd fardeau. « Même
son cousin, un sale morveux, ose me pincer les fesses à chaque fois qu’il
débarque à la maison. Ils étaient tellement gâtés que personne ne me croira; et
puis, ils sont les seigneurs et se permettent tout ». Elle dit à IPS qu’elle a pu
se sauver avec l’aide d’une voisine.
Le témoignage d’une samsarate
Fatima Zénoul, une « samsarate » (femme intermédiaire qui recrute les petites filles et les place dans des familles) bien connue au quartier Takaddoum, une banlieue de Rabat, défend son travail comme elle le
qualifie. « Ma tâche se termine au moment où je place la bonne chez ses
employeurs; ce qui se passe après ne me regarde pas, mais elle est libre de les
quitter si cela ne répond pas à ses attentes, et je pourrais alors lui chercher
une autre famille et ça me fera une paie de plus » (30 dollars par enfant placé), déclare-t-elle avec arrogance.
Sur les malheurs et violences que ces filles subissent,
Fatima répond sans aucun remords : « Si leurs parents ne se soucient pas de leur
sort, pourquoi je le ferai? Je ne suis pas responsable de ce qui leur arrive,
c’est un service rémunéré que je rends et c’est mon gagne-pain ».
« Miseria », un livre-témoin
Une vingtaine d’histoires de victimes (petites bonnes
maltraitées ou enfants abandonnés) qui ont fortement marqué l’opinion marocaine.
Ce livre a été motivé, notamment, par le sort des femmes qui
accouchent sans être mariées: si elles se risquent d’aller à l’hôpital, elles
sont arrêtées, jugées et condamnés à 3 à 6 mois de prisons «pour prostitution».
L’enfant est soit emprisonné avec la mère, soit confié à l’orphelinat. L’autre
solution pour les mères célibataires (presque toujours rejetées par leur famille) est d’accoucher seule…
L’auteur «choquée par la façon dont la société marocaine
rejette les mères célibataires », a créé l’association Solidarité féminine pour
s’occuper de ces jeunes femmes que la loi considère comme des prostituées et qui
sont, pour la plupart, de « petites bonnes » abandonnées après avoir été, souvent,
abusées par l’un des hommes de la famille qui les emploie. Au Maroc, le sujet est tabou ».
L’avocate: « 80 % des femmes expulsées de chez elles n’ont pas
de revenus. Que voulez-vous qu’elles fassent ? Qu’elles se prostituent ? On les
y pousse. La répudiation est une catastrophe, une épée de Damoclès sur la tête
des femmes. Si l’on veut légiférer utilement, il faut commencer par instaurer
une vraie loi sur le divorce, une loi qui protège la femme ».
10, rue Mignard, quartier Palmier, Casablanca. Une grande
maison, siège de l’Association Solidarité féminine. Ici règne Aïcha Ech Channa,
grande et forte femme que rien ne décourage. Elle accueille les femmes
abandonnées; les petites bonnes violées puis jetées à la rue; celles auxquelles
un homme a promis le mariage avant de s’enfuir, laissant la fiancée enceinte,
les filles violées par un père ou un oncle; les femmes qui avaient été répudiées
sans le savoir et se retrouvent enceintes d’un enfant illégal… »
En 1997 le livre a été traduit en arabe. En juin 1998,
Miseria reçoit le prix Grand Atlas 1998 pour le livre de témoignage, remis par
Edmonde Charles-Roux à l’ambassade de France à Rabat.
« Petites bonnes », un documentaire
Pendant plusieurs années, à Marseille, Hajiba et Soumia ont
été séquestrées et exploitées par des familles marocaines. Bruno Ulmer a suivi
ces deux jeunes filles, qui tentent aujourd’hui de reconstruire leur vie.
Hajiba avait 16 ans quand elle est entrée illégalement en
France en 1999. Soumia, elle, avait 13 ans lorsqu’elle est arrivée pour
travailler chez sa tante. Pour ces deux jeunes Marocaines, ce voyage était
l’occasion d’aider financièrement leurs familles restées au pays et de
poursuivre leurs études. Un espoir qui a très vite tourné au cauchemar: pendant
trois ans, Hajiba a été séquestrée et exploitée par la famille marocaine pour
laquelle elle travaillait. Pour Soumia, le calvaire a duré sept années durant
lesquelles elle a enduré, en plus d’un travail harassant, les coups de sa tante…
Grâce à l’association Esclavage Tolérance Zéro, Hajiba et
Soumia ont réussi à quitter les familles qui les exploitaient. C’est dans cette
association que Bruno Ulmer a rencontré les deux jeunes filles. Pendant un an,
il a regardé comment elles réapprenaient à vivre, à reconstruire minutieusement
leur identité.
Pour essayer de mieux comprendre ce qui se cachait derrière
leurs visages fermés, le réalisateur a pris le parti de les filmer en gros plan.
Leurs regards sont vides et tristes, leur peau marquée de nombreuses cicatrices
et traces des coups. Ces visages silencieux en disent bien plus long sur ce qui
s’est passé que la parole de ces jeunes femmes, incapables de mettre des mots
sur les souffrances qu’elles ont endurées.
Malgré tout, leur vitalité étonne. Hajiba parle d’avenir avec
un grand sourire rêveur, tandis que Soumia évoque avec enthousiasme son futur
appartement. Mais le combat est loin d’être gagné. Car la plupart des « petites
bonnes » sont malheureusement aussi les esclaves sexuelles de leurs patrons.
Hajiba et Soumia craignent que, parce qu’elles ont perdu leur virginité, leurs
familles ne les rejettent si elles rentrent au Maroc. Victimes une première fois
de leurs bourreaux, elles le sont une seconde fois parce qu’elles sont obligées
de rester en France, un pays qui leur est étranger.
Les causes du phénomène des petites bonnes
Transformer une fille de 7 ans en source de rente familiale
au lieu de lui donner sa chance à l’école, voilà la première violence (sociale)
que subit la population étudiée. HRW ne s’attarde pas trop sur ce qui se passe
en amont, dans le rural. D’autres enquêtes préalables, comme celle menée par
Fafo et Save the Children en 2001, avaient noté que « les filles et leurs
parents considéraient le travail domestique chez un employeur comme une
alternative à l’école, non comme une activité complémentaire ». Dans un atelier
organisé par des associations de Droits de l’enfant, « les petites bonnes citent
souvent l’absentéisme des enseignants, la violence en classe, comme les
premières raisons qui les poussent à quitter l’école et à se réfugier dans le
travail », rapporte Lahcen Haddad. HRW en prend note et ajoute que dans les
douars, « la scolarisation des mères, tout comme l’accès à l’eau potable et à
l’électricité, réduisent de 15 % les chances des petites filles à devenir des
bonnes en ville ». Et que fait l’état ? Il prodigue à une infime minorité deux
heures par semaine de cours dans le cadre de l’enseignement informel. Un
cache-misère. D’autant que la Convention des droits de l’enfant adoptée par le
Maroc stipule que « le travail des enfants de moins de 14 ans n’est autorisé que
par intermittence, après l’école ». Certes, l’employeur refuse souvent de jouer
le jeu. Mais il revient aux autorités de l’y astreindre.
Le sociologue Mohamed Bouchtaoui explique que les facteurs
socio-économiques de ce phénomène sont nombreux. « Il y a d’abord la pauvreté et
l’abandon scolaire en milieu rural qui alimentent le marché du travail
domestique. Il y a aussi un facteur culturel, beaucoup de familles favorisant
les pratiques discriminatoires basées sur le sexe. Les filles se voient confier
traditionnellement les tâches domestiques. Le troisième facteur est lié au vide
juridique. Il n’existe toujours pas une loi qui réglemente le travail domestique. »
Sachant que ces filles ont souvent du mal à sortir du cycle
infernal de la dépendance matérielle, HRW estime qu’elles sont prises au piège
d’un système sans merci. Lequel ? “Celui de la mondialisation, explique
l’économiste Mehdi Lahlou. Puisque nous faisons partie des pays non compétitifs
qui emploient les enfants, à bas salaires, pour rester dans la course”.
L’explication est d’autant plus valide que les petites bonnes représentent 72%
des enfants qui travaillent dans les villes, selon une étude gouvernementale.
Ces petites filles sont également prisonnières d’un système
d’intermédiaires. Les samsara sont les seuls contacts directs de ces bonnes,
mais puisqu’intéressés, ils ne peuvent les protéger des abus de leurs
employeurs. Même lorsqu’elles veulent fuir leur destin, les intermédiaires leur
brouillent les pistes et les empêchent de retourner chez leurs parents.
Elles sont par ailleurs victimes d’un système judiciaire
défaillant et injuste. « Même lorsque des parents récupèrent une fille battue,
brûlée et mal en point psychologiquement, ils ne vont pas porter plainte parce
qu’ils considèrent cela comme une perte de temps », note Bencomo. Enfin, ces
filles sont otages d’un système qui ne donne pas de primauté à la législation et
aux conventions internationales.**.association-tiwizi-suisse.
Recommandations: Que faire ?
L’intérêt du rapport de Human Rights Watch (HRW) est qu’il
énumère un ensemble de prédispositions à prendre d’urgence. Parmi
celles-ci :
- l’adoption des critères de l’Organisation internationale du
travail en vue d’éliminer les pires formes de travail des enfants;
- la prévision de sanctions contre les employeurs qui abusent
des enfants;
- la ratification du Protocole international relatif à la
suppression du trafic des personnes;
- la mise en application des mêmes droits prévus pour les
jeunes travailleurs au profit des petites bonnes;
- l’autorisation des inspecteurs de travail d’aller enquêter
dans les maisons et d’appliquer des sanctions contre les employeurs qui
enfreignent la loi;
- l’application pour tous du droit à l’accès à l’école, sans
que les frais de scolarité ou autres formalités administratives deviennent des
obstacles;
- la création de ponts flexibles entre l’enseignement
informel et formel afin de permettre la réintégration des petites bonnes;
- la poursuite d’employeurs qui exploitent sexuellement leurs
petites bonnes.
Source des informations: article de Salma Daki du
23.01.2006 sur yabiladi.com; www.emarrakech.info; www.telquel-online.com;
www.maroc-hebdo.press.ma; article
de Sarah Touahri du 23.01.2007 sur www.magharebia.com; ipsinternational.org; article de Mohamed AKISRA du 15.06.2005 dans
l’Economiste sur le site de www.casafree.com; www.marocinfo.net; www.bibliomonde.com; enfantsdelarue.blogspot.com; www.unicef.fr
Source des photos: www.unicef.fr
Référence
du livre cité: « Miseria », Aïcha Ech-Channa, 1996, 208
p., ISBN: 9981-838-44-4 (3e édition).
Référence du film documentaire: « PETITES BONNES », Réalisateur Bruno ULMER, Producteur SON ET LUMIERE,
2003, Catégorie Programme Unitaire, Genre Documentaire, ARTE PRO, www.artepro.com
**Le tourisme de la honte !
*Les prostituées sont, le plus souvent, issues de milieux défavorisés du pays, vendues par leur famille aux proxénètes, enlevées, ou travaillant de leur propre volonté, tel que des étudiantes, dans des milieux adaptés à ce commerce (bar à karaoké, salon de massage, bars, restaurants) pour améliorer leur niveau de vie.
Les proxénètes achètent des enfants dans les villages reculés afin de fournir à la clientèle de la chair fraîche. Les enfants sont séquestrés dans les bordels et doivent accueillir une quinzaine de clients par jour.
*Témoignage de S. P, 14 ans, cambodgienne
» Ma famille est pauvre. Une femme est venue voir mes parents quand j’avais huit ans. Elle m’a emmenée en disant que, pour aider la famille je devais faire des travaux domestiques. J’étais très heureuse de pouvoir contribuer à la vie de ma famille. Je suis partie…. Là j’ai été enfermée. On m’a obligée de recevoir les clients pour le sexe. On a donné de l’argent aux parents mais je ne sais pas combien.
Mais je n’ai pas accepté, on a ordonné aux gardiens de me frapper, on ne m’a rien donnée à manger. J’ai résisté pendant 15 jours. On me frappait avec la ceinture, le fouet, on me faisait passer du courant électrique dans le corps et, au bout de deux semaines, j’ai accepté. (…) On m’a vendue à un troisième établissement où on m’a recousue pour que je retrouve une virginité. Après quand j’ai refusé les clients, on m’a battue avec un fouet et des fils de fer, on m’a passée le courant électrique, on m’a attachée, on me donnait à boire de l’urine, on me couvrait de scorpions et de scolopendres…Les gardiens me violaient à volonté (…) Il y a des dizaines de gardes qui abusent de moi à tout instant. Les clients aussi sont brutaux. Il y a trois filles de onze à douze ans qui vivent le même sort que moi …
*******
30 millions de femmes et d’enfants en Asie ont été victimes du trafic sexuel.
Bien que les chiffres exacts ne soient pas disponibles, le Fonds des Nations
Unies pour l’enfance (UNICEF) estime qu’au cours des trente dernières années, 30
millions de femmes et d’enfants en Asie ont été victimes du trafic sexuel. Il
s’agit le plus souvent de jeunes femmes issues de familles pauvres, à qui on a
promis une vie meilleure pour elles et leur famille. Certaines se sont vues
offrir un emploi ou la possibilité de faire des études, d’autres ont été
kidnappées ou vendues par des amis ou par des membres de la famille dans le but
de gagner de l’argent. C’est un commerce où opèrent des gens sans scrupules pour
qui l’argent l’emporte sur les droits de l’homme.
Souvent, les trafiquants font appel à des personnes locales dans une
communauté ou un village pour repérer les jeunes filles et les enfants et cibler
les familles pauvres et vulnérables. Parfois, les membres de la famille vendent
leurs enfants à des intermédiaires ou à des trafiquants, pensant à tort que
leurs enfants auront un emploi lucratif ou feront des études et que, par respect
pour eux, ils feront ce qui leur est demandé. Mais, la plupart du temps, ces
enfants finissent dans une maison close ou dans d’autres lieux où ils sont
forcés de se prostituer.
Selon Christa Crawford, une avocate américaine travaillant actuellement sur
un projet des Nations Unies visant à fournir aux gouvernements de la région les
moyens de renforcer et de développer la législation pour lutter contre le trafic
de personnes, » l’un des problèmes réside dans le fait que personne ne veut
témoigner contre les agents ou les gangs impliqués dans le trafic. Étant donné
qu’il n’existe pas de programmes de protection de témoins dans ce domaine, la
crainte de représailles est un facteur dissuasif. Peu d’affaires donnent donc
lieu à une condamnation. Aux États-Unis, dans le cadre de la loi 2000 sur la
protection des victimes de la traite des personnes et de la violence, un rapport
est fourni chaque année sur les efforts menés dans 89 pays. Ceux-ci sont évalués
selon leur niveau de conformité à la loi et leur engagement à lutter contre les
activités criminelles, en particulier en ce qui concerne les poursuites
judiciaires, la protection des victimes et l’éducation du public « . Ils sont
répartis en trois groupes : le groupe 1 (efforts satisfaisants), le groupe 2
(résultats insatisfaisants, mais quelques efforts) et le groupe 3 (aucun effort).
solliciter les faveurs d’une fille mineure.
» Le Cambodge figure dans le groupe 3 depuis les deux dernières années et, en
janvier dernier, a fermé la maison close Svay Pak, espérant ainsi recevoir une
meilleure évaluation et figurer dans un autre groupe. C’est un pays pourvoyeur,
de destination et de transit et, malgré les pressions exercées sur le
gouvernement par diverses agences internationales établies au Cambodge, peu
d’arrestations ont eu lieu. Parmi les autres pays d’Asie du Sud-Est classés dans
le même groupe figurent la Birmanie et l’Indonésie où pratiquement aucune mesure
n’est prise pour lutter contre l’exploitation sexuelle des femmes et des mineurs
« , a ajouté Mme Crawford. » La Thaïlande, qui fait partie du groupe 2, demeure
l’un des principaux pays pourvoyeurs, de destination et de transit pour le
trafic des femmes et des enfants. Les victimes, originaires de pays voisins tels
que la République démocratique populaire lao, la Birmanie et la Chine,
transitent par la Thaïlande à destination d’autres pays comme les États-Unis, le
Japon, Taiwan, l’Australie et l’Europe « , a-t-elle expliqué.
En Thaïlande, bien qu’une législation existe contre le trafic des êtres
humains, il y a peu d’enquêtes et de condamnations. Il a été reconnu, avec
preuves à l’appui, que la police, souvent complice, acceptant des pots-de-vin de
la part des tenancières de maisons closes et préférant » fermer les yeux « , a
entravé le succès des efforts menés pour éliminer l’exploitation des femmes et des enfants.
» En Thaïlande, la situation des enfants mineurs semble s’être améliorée « ,
estime Mme Christa. » Les mesures de répression ont soit forcé les organisateurs
de réseaux à opérer moins ouvertement, soit à choisir la clandestinité pour
échapper aux contrôles. Il a quelques années, les jeunes fille de moins de
quinze ans etaient nombreuses. Aujourd’hui, ce sont celles de dix-sept ans. Il
est plus facile pour un Thaïlandais que pour un étranger de solliciter les
faveurs d’un garçon ou d’une fille mineure. «
40 000 à 50 000 Thaïlandaises travaillent comme prostituées au Japon
Le Rapport mondial sur la criminalité et la justice, publié récemment par
l’ONU, fait état que 40 000 à 50 000 Thaïlandaises travaillent illégalement
comme prostituées au Japon. Leur passeport leur est confisqué et elles se
retrouvent prises au piège de la prostitution jusqu’à ce qu’elles puissent
rembourser leur dette. Avant sa fermeture, Svay Pak, appelée K-11 et située à 11
km de Phnom Penh, était l’un des bordels réputés de la province. Y travaillaient
principalement de jeunes Vietnamiennes, âgées de 11 à 20 ans, dont la majorité
avait transité par le Viêt Nam et avait été vendue par les membres de leur
famille ou par des amis. On estime à 900 le nombre de ces jeunes filles vivant
dans cette communauté.
Dans le cadre de notre enquête entreprise pour la réalisation de notre livre
sur les enfants des rues au Viêt Nam, Ngo Kim Cuc et moi avons visité une maison
close où nous avons passé deux jours séparés avec la tenancière et ses filles.
Pendant les allées et venues des clients, la mamasan (la maquerelle) a expliqué
librement les détails de l’opération. La plupart des filles sont originaires des
provinces du sud-ouest du Viêt Nam, à savoir Long An, An Giang, Song Be, Kein
Giang, Cam Tho et Ho Chi Minh City.
» Un agent me présente les filles. Une jeune fille vierge me coûte entre 350
et 400 dollars et les autres entre 150 et 170 dollars. Lorsqu’un client demande
une vierge, nous lui réservons une chambre d’hôtel où il pourra passer une
semaine avec la jeune fille. Cela me rapporte entre 300 et 400 dollars « ,
a-t-elle expliqué. Pendant que nous bavardions avec elle, deux femmes sont
arrivées accompagnées d’une jeune fille d’une quinzaine d’années. La mamasan
s’est excusée et s’est entretenue avec les deux femmes pendant que la jeune
fille se tenait dans un coin de la pièce, nous tournant le dos. L’une des filles
s’est approchée d’elle, lui a dit quelques mots, l’a prise par la main et l’a
emmenée. La mamasan a ouvert un tiroir, pris une liasse de billets et l’a remise
à la plus jeune des deux femmes. Elles ont signé un papier et elles sont parties.
Une fois la transaction effectuée, la mamasan nous a dit qu’elle était contente
d’accueillir une nouvelle recrue. » Elle est très jolie et très jeune, à peine
15 ans. Mes filles sont heureuses de vivre avec ma famille. Nous vivons comme
une famille. Je leur assure un toit et un travail, et elles gagnent de l’argent
pour plus tard. Elles sont originaires de villages pauvres au Viêt Nam; en
somme, nous nous aidons mutuellement. «
Lors d’une autre occasion, j’ai interviewé Sa, une jeune cambodgienne de 16
ans qui venait d’être libérée d’une maison close située près de Phnom Penh. Elle
parlait d’une voix douce, presque inaudible. La terreur qu’elle avait éprouvée
se révélait dans ses yeux. » J’ai été trompée par une amie de mon village « , a-t-elle expliqué.
Deux semaines plus tôt, elle avait été abordée par une fille de son village
plus âgée qu’elle lui disant qu’elle connaissait un restaurant où Sa pouvait
travailler pour aider sa famille. » Je l’ai crue. Je n’ai rien dit à ma mère
parce que je voulais lui faire la surprise. Mon amie m’a emmenée dans un
restaurant chinois en dehors de la ville où nous avons rencontré la femme du
patron. Elle nous a dit qu’ils avaient besoin d’une employée dans un autre
restaurant pas très loin d’ici. Lorsque nous sommes arrivées, j’ai tout de suite
vu que cet établissement n’était pas un restaurant. On m’a emmenée dans une
petite pièce et on m’a dit d’attendre. Mon amie m’a dit de ne pas m’inquiéter et
elle est partie. Peu de temps après, une femme est venue et m’a dit qu’il n’y
avait pas travail pour moi dans le restaurant mais qu’on m’avait trouvé un autre
emploi, ajoutant que je ne pouvais pas partir et que je devais désormais rester
dans ce lieu. C’est alors que j’ai compris qu’on m’avait trompée. Une femme a
introduit un homme dans la pièce. Comme je n’avais jamais eu de relations
sexuelles avec un homme, on m’a dit ce que je devais faire. J’étais terrifiée.
Elle m’a dit que je serais battue si je ne faisais pas ce qu’on me demandait. «
La semaine suivante, Sa a été forcée de coucher avec plusieurs clients. Puis,
la patronne du bordel l’a envoyée dans une autre maison close. Sa mère, ne
sachant pas où elle était, s’est adressée à un ami policier. Après deux semaines
de recherches dans les bordels des environs, il a fini par retrouver Sa. Il a
fallu que le policier insiste pour que la patronne la laisse partir. Sa a eu de
la chance d’avoir survécu à cette rude épreuve. Une organisation non
gouvernementale locale située à Phnom Penh l’a envoyée dans un centre d’enfants.
Puis elle a été prise en charge par une autre ONG qui aide les jeunes filles qui
ont été victimes du commerce sexuel. » Nous ne pensions pas qu’elle était prête
à rentrer chez elle. Elle avait besoin d’une aide psychologique importante,
comme c’est le cas de la plupart des prostituées rescapées. C’est un traumatisme
avec lequel elle devra vivre pendant très longtemps « , a commenté une assistante
sociale de l’organisation.
Selon le Fond des Nations Unies pour le développement, on estime que 500 à 1
000 enfants cambodgiens mendient dans les rues en Thaïlande, principalement à
Bangkok. Un grand nombre d’entre eux errent dans les quartiers des bars de la
ville, vendant des fleurs, des chewing-gums, des bonbons et du sexe.
À plusieurs occasions, j’ai rencontré dans un des quartiers des bars de
Bangkok des jeunes vietnamiennes accompagnées d’enfants cambodgiens et indiens.
L’une d’elles, une petite fille de 11 ans, a dit qu’à plusieurs reprises des
hommes étrangers qui se trouvaient dans les bars où elle vendait des fleurs
voulaient coucher avec elle, mais qu’elle avait refusé et qu’elle était partie
en courant. S’exprimant en anglais, elle a dit qu’elle et sa sour vivaient à
Bangkok avec une famille thaïlandaise et des enfants originaires d’Inde et du
Cambodge. Elles devaient vendre toutes les fleurs et rentrer à la maison avec la
somme d’argent correspondant sinon elles étaient battues. Souvent, elles
subissaient des pressions des policiers pour qu’elles leur remettent une partie
de leur argent sous peine d’être arrêtées.
La pauvreté continue d’être l’une des causes fondamentales de la prostitution
des femmes et des enfants. En Asie et en Pacifique seulement, où vit environ un
tiers de la population mondiale qui compte 7 milliards d’habitants, près d’une
personne sur quatre vit avec moins d’un dollar par jour. Pour sortir du cercle
de la pauvreté, ces personnes sont entraînées dans des situations
catastrophiques et exploitées à des fins commerciales par des intermédiaires et
des agents. Les plus chanceuses arrivent à s’en sortir, mais qu’en est-il des
autres qui sont à la merci des proxénètes ? **Source: .un.org.
*Mikel Flamm travaille depuis 1980 à Bangkok, en Thaïlande, comme journaliste
reporter indépendant. Il a couvert de nombreux événements, principalement sur
les questions concernant les réfugiés, les enfants des rues, les enfants soldats
et prostitués ainsi que sur le trafic des enfants en Asie du Sud-Est. En 1996,
il a écrit, en collaboration avec Ngo Kim Cuc, un livre intitulé, Children of the Dust.
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