Science du sexe et sexe des sciences
Masculin, féminin : comment rester neutre sur ce terrain d’études, quand celui ou celle qui l’aborde se reconnaît forcément dans l’un ou l’autre sexe ? Avouons-le : l’auteure de ces lignes elle-même n’a pas échappé à la règle. Les chercheurs non plus. Quelle que soit leur volonté, la science n’est jamais tout à fait « objective » dès lors qu’elle concerne, de près ou de loin, la différence des sexes. Et les exemples sont nombreux qui montrent que les avancées du féminisme, en modifiant les mentalités, en permettant au sexe « faible » de participer plus largement à l’élaboration des connaissances, ont modifié celles-ci de façon sensible. Démonstration en trois points.
ANNÉES 1970 : LA HIÉRARCHIE CHEZ LES BABOUINS, UN ARTEFACT ?
« Envoyez un homme et une femme dans une église, et faites-les sortir un quart d’heure après. L’homme n’aura rien vu, la femme vous décrira les chapeaux et les chaussures. » Celui auquel sont attribués ces propos, l’anthropologue américain Louis Leakey, codécouvreur d’Homo habilis, eut l’idée géniale, au début des années 1960, d’envoyer sa secrétaire observer les chimpanzés dans la forêt tanzanienne. Elle s’appelait Jane Goodall. Elle allait être suivie de beaucoup d’autres, après qui la primatologie ne serait plus jamais la même. « Ces femmes restaient beaucoup plus longtemps sur le terrain que les hommes », raconte l’éthologue et psychologue Vinciane Despret, professeur à l’université de Liège (Belgique). « Non pas, comme on l’a beaucoup dit, parce qu’elles étaient plus patientes et observatrices, mais tout simplement pour des raisons de carrière : dans les années 1960, si elles voulaient espérer revenir à l’université et obtenir un poste, il fallait qu’elles aient à leur actif beaucoup plus de publications que leurs confrères masculins. » Leur regard a tout bouleversé. Notamment le concept de « hiérarchie de dominance », selon lequel les mâles dominants, entre autres prérogatives, jouent un rôle particulier dans la défense contre les prédateurs. Une notion si centrale dans l’étude des primates qu’elle était devenue, à l’époque, synonyme d’organisation sociale. Au milieu des années 1960, le beau modèle connaît cependant une exception : les babouins de la forêt ougandaise d’Ishasha, observés par la primatologue Thelma Rowell, s’enfuient dans le plus grand désordre à la vue des prédateurs, chacun selon ses propres capacités. « Ce qui veut dire les mâles loin devant, et les femelles, encombrées de leurs petits, peinant à l’arrière », précise Vinciane Despret. Elle constate également qu’il ne semble pas y avoir, dans cette troupe, de hiérarchie entre mâles et femelles. Quelques années plus tard, une autre femme, Shirley Strum, complète la démonstration avec les babouins kényans de Pumphouse. « La domination des mâles est un mythe », affirme-t-elle. La controverse enfle. Jusqu’à ce que la fine fleur de la primatologie admette ce que personne n’avait compris jusqu’alors : ce ne sont pas les conditions de vie des babouins qui les rendent agressifs et hiérarchisés, mais les conditions d’observation.
« La dominance et la compétition qu’elle est censée réguler n’émergent bien que dans deux conditions très particulières, précise Vinciane Despret. Les recherches en captivité, et celles où les animaux sont observés en liberté, mais nourris par les chercheurs pour être approchés. » La domination des mâles chez les babouins ne serait donc qu’un artefact. Et peut-être, comme le suggérait Thelma Rowell, le résultat d’une forme inconsciente d’anthropomorphisme…
ANNÉES 1980 : POURQUOI LES FEMMES NE SONT-ELLES PAS CHASSERESSES ?
D’après les données de la préhistoire et l’étude des sociétés traditionnelles, la répartition des tâches chez les peuples chasseurs-cueilleurs a toujours été la même : aux hommes la chasse aux gros animaux, aux femmes la récolte d’aliments végétaux, d’oeufs et d’insectes. Pendant longtemps, l’explication d’une telle constante alla de soi : les femmes ne participaient pas à la chasse du fait de leurs grossesses et de leurs enfants en bas âge. Comme il allait de soi que l’invention de la chasse avait été une source importante d’innovations adaptatives (techniques, sociales, alimentaires) pour le genre Homo – innovations dont les mérites étaient donc attribués aux hommes.
Cette dernière assertion fut remise en cause, au début des années 1980, par plusieurs chercheuses américaines. Pour l’anthropologue Nancy Tanner et la primatologue Adrienne Zihlman notamment, ce ne sont pas les hommes chasseurs, mais les femmes cueilleuses qui furent le moteur de l’évolution humaine. S’appuyant sur l’observation des sociétés traditionnelles et sur celle des grands primates, elles proposèrent le modèle suivant : les femelles auraient été les premières chez les hominidés à se servir régulièrement d’outils, avec lesquels elles déterraient ou capturaient les aliments qu’elles mettaient ensuite à l’abri des prédateurs. L’efficacité de cette collecte féminine aurait ainsi permis aux hommes de s’adonner à la chasse, activité au rendement plus aléatoire.
Dans le même temps, l’explication selon laquelle les femmes n’allaient pas à la chasse parce qu’elles étaient moins mobiles que les hommes commença sérieusement à se fissurer. Alain Testart, chercheur au laboratoire d’anthropologie sociale du Collège de France, est l’un de ceux qui ont le plus travaillé sur ce sujet. Auteur, en 1986, d’un ouvrage sur Les Fondements de la division sexuelle du travail chez les chasseurs-cueilleurs, il soutient que cette division du travail se fonde, non pas sur la maternité, mais sur une idéologie liée à la symbolique du sang. Hypothèse qu’il n’a cessé d’étayer depuis lors.
A y regarder de plus près, en effet, les femmes ne sont pas systématiquement exclues de la chasse. Chez les Inuits par exemple, elles peuvent, l’été, s’approcher des phoques endormis et les abattre à coups de gourdin. Chez les Aïnous, population d’origine de l’île d’Hokkaido, au nord du Japon, elles pratiquent la chasse aux cervidés, avec chiens, cordes et filets. Chez les Aborigènes australiens, elles traquent des animaux fouisseurs en les enfumant dans leur terrier. Pour elles, donner la mort est donc possible. Mais jamais avec des flèches, des sagaies ou des harpons.
« La femme ne chasse pas si le sang animal doit couler, tandis qu’elle chasse dans le cas inverse », résume Alain Testart. Rappelant « les très nombreuses croyances, interdits et tabous variés et hauts en couleur qui entourent le sang des femmes – que ce soit celui de la parturition ou de la virginité, ou surtout le sang menstruel – dans la quasi-totalité des sociétés primitives », il souligne le parallèle entre le sang des femmes et celui des animaux. « Tout se passe comme si la femme ne pouvait mettre celui-ci en jeu, dans la mesure où il est question, en elle, de son propre sang. » Conséquence : les femmes se seraient retrouvées presque partout exclues de la guerre – donc du politique -, ainsi que des rites sacrificiels – donc de la religion.
ANNÉES 1990 : LE CHROMOSOME Y DÉTIENT-IL LA CLÉ DE LA DÉTERMINATION DU SEXE ?
XX = femme, XY = homme : le fait que la présence du chromosome sexuel Y, en un seul exemplaire, suffise à induire le développement des organes mâles a longtemps conduit les chercheurs à lui attribuer un rôle « dominant ». Un « dominant » incapable de vivre sans son « dominé » (puisqu’un oeuf fécondé dans lequel le chromosome Y est tout seul n’est pas viable), un « dominé » vivant en revanche très bien sans son « dominant » (puisque la moitié de la moitié de la population n’est porteuse que de chromosomes X)… « Mais pendant longtemps, ces idées n’effleurèrent personne ! », remarque la biologiste Joëlle Wiels, directrice de recherche CNRS à l’Institut Gustave-Roussy (Villejuif). Le développement femelle étant considéré comme le développement « par défaut », on favorisa donc les recherches sur les « événements supplémentaires » nécessaires à l’élaboration du mâle.
Entre 1970 et 1990, on trouva ainsi successivement trois gènes du chromosome Y impliqués dans la formation des testicules. Dans les articles scientifiques de l’époque, on ne les nommait pas les gènes de détermination « du sexe mâle », mais « du sexe ».
En 1986, pourtant, deux biologistes américaines, Eva Eicher et Linda Washburn, émirent l’hypothèse qu’il existait, aux côtés du « déterminant du testicule », un « déterminant de l’ovaire ». Mais il fallut attendre 1994 pour qu’une équipe italienne montre l’existence, sur le chromosome X, d’un gène capable, exprimé en double dose, de provoquer le développement femelle chez des individus XY. Gène qui se révéla en fait, quelques années plus tard, ne pas être indispensable à la formation des ovaires. Mais qui eut le mérite d’attirer l’attention sur les mécanismes de détermination du sexe femelle.
« Ces progrès ont surtout permis de mettre en évidence la complexité et la subtilité des événements qui gouvernent, à partir d’un même tissu, la formation de deux organes aussi différents que les ovaires et les testicules », commente Joëlle Wiels. Même si cette nouvelle approche n’a pas mis totalement fin « aux bons vieux réflexes », la biologiste note que le vocabulaire des scientifiques a changé, et qu’il n’est pas rare, depuis le début des années 2000, « qu’une conception un peu plus paritaire s’exprime dans les articles ». On pouvait même lire en 2005, dans la revue Molecular and Cellular Endocrinology, un article dont le résumé commençait par cette phrase : « Des preuves de plus en plus nombreuses indiquent que l’organogenèse de l’ovaire n’est pas un processus passif qui survient par défaut en cas d’absence du développement des testicules. » Puisqu’on vous le dit ! (Le Monde-08.08.09.)
**********le point G n’existerait pas…
SEXUALITE – Selon une nouvelle étude britannique…
Ce n’est plus la peine de chercher, mesdames, si vous n’avez pas trouvé votre point G, il y a une bonne raison: il n’existe pas. C’est en tout cas le résultat d’une étude britannique d’une équipe du très sérieux King’s College de Londres, portant sur 1.800 femmes britanniques.
«C’est de loin la plus large étude jamais menée sur le sujet, et elle monter relativement clairement que l’idée du point G est subjective», assène Tim Spector, professeur d’épidémiologie génétique, cité par le Daily Mail.
«Les jumelles n’ont généralement pas le même partenaire sexuel.»
L’étude portait sur des jumelles, et dans plusieurs cas, certaines avaient trouvé un point G, et pas leurs jumelles, qui possèdent pourtant les mêmes gènes.
La sexologue Beverly Whipple, qui avait popularisé l’existence du point G, a dénigré l’étude: «le gros problème de ces résultats est que les jumelles n’ont généralement pas le même partenaire sexuel.»
Le point G désigne une zone érogène sur la face antérieure du vagin dont la stimulation peut provoquer une excitation sexuelle intense. Encore faut-il le trouver. (20.Minutes.03.01.2010.)
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