devenir Française en 10 jours
Imaginez, si vous voulez, une boulangerie dans le neuvième arrondissement qui fait le meilleur pain au chocolat du monde. Il est 9h30, et j’y entre en titubant, habillée avec un jogging, un t-shirt troué, un sweat à capuchon et des mocassins. C’est le type de tenue que je porterais – et que j’ai portée – lors de mes courses à Brooklyn.
Mais ici, entourée de jeunes Françaises soignées qui restent minces malgré des petits déjeuners de pâtisseries et qui portent des bottes à haut talon et des minijupes au travail, je me sens courtaude et hors de mon élément. Si je compte passer tout l’automne à Paris, j’ai vite besoin de quelques cours élémentaires dans l’art d’être française.
C’est là qu’intervient Mireille Guiliano qui a bâti un empire sur la présomption qu’elle detient ce secret. Son premier livre de conseils diététiques, Ces Françaises qui ne grossissent pas: comment font-elles?, fut publié en 2005 et a rencontré un tel succès qu’il est sorti en 42 pays et est actuellement en train d’être adapté à l’écran sous la forme d’une comédie romantique avec Hilary Swank en vedette. L’année suivante, elle a sorti un livre sur le style, Mincir au fil des saisons, et son dernier livre, sorti en octobre 2009, parle de la vie au travail: Women, Work & the Art of Savoir Faire. J’ai pris le parti de suivre les conseils de ces trois livres lors de mon séjour à Paris – le meilleur endroit pour les essayer! – pendant une période de 10 jours. J’espérais sortir de l’expérience plus chic, plus stylée, et plus distante – trois qualités que je considère comme la quintessence du style français. J’ai commencé avec Ces Françaises qui ne grossissent pas. Le point clé de son régime est assez simple: il faut manger de la nourriture de très bonne qualité, mais en petites portions. Elle a tendance à mettre en exergue des extrêmes ridicules, comme son fameux régime aux poireaux. Guiliano explique qu’elle a fait un long séjour d’études aux Etats-Unis où elle a cédé à la tentation des brownies et d’autres péchés américains, avec pour conséquence la prise de plusieurs kilos. A son retour en France, son père lui a dit qu’elle ressemblait à un sac à patates, et sa mère l’a envoyée consulter un généraliste. Le Dr. Miracle, comme il est nommé dans le livre, lui a prescrit une soupe aux poireaux «magique».Guiliano encourage toute femme cherchant à être «française» à commencer avec ce programme de désintoxication; alors, après une dernière boule de glace au caramel fleur de sel, j’ai entamé la cure un lundi matin. J’ai bouilli un kilo de poireaux dans de l’eau. C’était tout ce que j’aurais le droit de manger ou boire pendant deux jours. Les poireaux, écrit Guiliano avec emphase, sont une «aventure pour la plupart des palais» et elle encourage ses lecteurs à noter «leurs saveurs et leurs odeurs». J’aurais noté mes sentiments si j’avais eu la force de lever un stylo. Plutôt, j’ai fait trois fois la sieste la première journée de la cure, où j’ai rêvé de loups-garous et de Nicolas Cage. Au déjeuner, le lendemain, j’ai juré que je ne mangerais jamais plus de poireaux de ma vie. A 14h00, j’ai envoyé plusieurs emails à des amis pour les prévenir de ma mort prochaine. A 15h00, j’ai pris mon «vrai» dîner autorisé - 125 grammes de poisson, deux légumes cuits à la vapeur et une pomme.J’ai perdu un kilo ou deux – je suis complètement passée au système métrique, grâce à Mireille – mais je suis sûre que la salade que j’ai mangée le lendemain, qui était lourde en lardons, fromage de chèvre et pommes de terres sautées et légère en crudités, a sans doute inversé les effets. Mais, pas de panique, dit Guiliano: «Les Françaises s’égarent, mais elles reviennent toujours, croyant qu’il n’y a que des détours et pas d’impasses».
Il est facile de suivre allégrement les détours, quand on est soûle, et Guiliano est une grande prêtresse de la boisson -pourvu qu’il s’agisse de champagne. Guiliano est l’ancienne PDG de Veuve Clicquot, et ses livres peuvent être lus comme des publicités élaborées pour la marque. Mais malgré mon cynisme, j’ai suivi sa consigne – «Dans le doute, prenez du champagne» – et j’ai commandé une bouteille à un bar avec un ami. C’était très drôle et festif jusqu’au lendemain, quand ma gueule de bois m’a empêché de me lever du canapé.
Quand je fus enfin de nouveau sur pied, je suis passée à l’étape 2: une transformation stylistique grâce à Mincir au fil des saisons. Les femmes françaises s’habillent «smexy», pour employer le terme de Guiliano, un néologisme qui fusionne «smart» et «sexy». En outre, elle note que l’on remarque toujours «vos cheveux, vos yeux et votre sourire, et puis vos chaussures». En m’habillant pour un concert donné par un ami, je me suis résolu à faire plus d’effort que le jean et les Converse que je porte d’habitude pour ce genre d’occasion, aussi ai-je mis mes cheveux en chignon et ai-je porté des talons hauts. Je trouvais que j’avais plutôt bonne allure dans cette tenue, mais qu’elle serait peut-être plus apte à une autre sorte d’événement. Mon ami était du même avis: en m’apercevant, il a dit «Pourquoi es-tu si chic?»
Guiliano fait toute une tirade sur l’accessoire français le plus intimidant: l’écharpe. «On a beaucoup écrit sur la Française et ses techniques pour nouer une écharpe,» a récemment écrit Guy Trebay dans le New York Times. «Mais presque personne ne note le manque d’intérêt du résultat et combien cette façon d’être «chic» est au final ennuyeuse et conformiste et comme il est facile de ressembler moins à Catherine Deneuve qu’à une hôtesse d’Air France». Il a raison: après avoir tenté ce que Guiliano appelle la «longue écharpe collier», je ressemble plus à une dame ménopausée qu’à une jeune coquette de 32 ans.
Dans son dernier livre, Women, Work & The Art of Savoir Faire, Guiliano voit des solutions magiques pour changer de carrière aussi facilement que de pratiquer la cure aux poireaux: «Dans les mois suivants une situation difficile, un rêve peut devenir quelque chose de concret. La vie peut être comme ça. Il ne faut qu’un peu de chance, de talent, de travail, et peut-être un peu d’aide». Bien que cela résonne plus comme les conseils d’une bonne fée que ceux d’un mentor professionnel, le dernier livre de Guiliano donne surtout des conseils pratiques. Elle encourage les femmes ambitieuses à rester à l’écart des commérages, à cultiver un sain équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle, et à dormir huit heures par nuit. Elle est souvent trop simpliste, mais ça part de bonnes intentions.
Et si vous suivez son style de vie suffisamment longtemps, il y a des récompenses inattendues. Après avoir lu dans Women, Work & The Art of Savoir Faire que je devrais «apprendre très tôt l’emploi stratégique du mot ‘non’: il va bien vous servir, et souvent il va vous faire gagner du respect», j’ai refusé un travail que je n’avais pas très envie de faire. C’était un changement par rapport à mes habitudes consistant à satisfaire tout le monde, mais je me suis dit que je devenais de plus en plus française: les Parisiens n’aiment pas rendre service.
Au lieu de travailler, je me suis attachée à suivre ses recommandations. Guiliano est contre le principe de faire du sport pour brûler des calories, donc j’ai remplacé mon jogging matinal par des promenades en vélo le long du Canal Saint Martin et des promenades dans le Parc Monceau. Elle est aussi partisane de ne rien faire. Puisque «les Françaises adorent s’asseoir dans les cafés et ne font rien qu’apprécier l’instant», j’ai fait de mon mieux pour devenir une flâneuse: je m’asseyais dans la cour du Musée de la Vie Romantique, lisant vaguement une biographie de Gertrude Stein tout en rêvant; j’ai quitté mon appartement avant midi un dimanche pour goûter une tarte à la citrouille au marché ouvert sur le boulevard Raspail recommandé par Guiliano; j’ai fait une promenade tard un soir et suis tombée sur une installation d’art dans une église médiévale.
Mais c’est facile de réaliser mes rêves de Française quand j’ai la carrière souple d’un écrivain freelance et aucun enfant. Le plus grand atout de Guiliano est aussi sa faiblesse: tout – décrocher le poste de vos rêves, perdre 8 kilos – est accompli avec une parfaite aisance. Le style de vie préconisé par Guiliano, comme le mode de vie dicté par tout gourou, procède d’une aspiration. La Française est une construction de l’imaginaire américain, ce n’est pas sa beauté naturelle qui nous attire mais sa capacité à toujours mettre son meilleur visage en avant. Et cette construction est de plus en plus une fiction: le taux d’obésité monte en France car de plus en plus de Gaulois mangent comme des Texans. Mais la capacité d’attraction de cette illusion française est tellement forte que Guiliano n’est pas le seul auteur à capitaliser sur cette mystique. Ses livres sont les plus connus du genre, mais des œuvres telles que French Women Don’t Sleep Alone et Fatale: How French Women Do It font partie du canon.
Néanmoins, après 10 jours, je trouve que je mange moins vite, que je dors mieux, et que je fais quelques efforts pour m’habiller avant de sortir le matin chercher des pâtisseries. Mais les astuces de Guiliano ne sont pas magiques: je garde un air tellement américain que les marchands ont tendance à s’adresser à moi en anglais avant même que je ne n’ouvre la bouche. Une écharpe coquette ne va jamais me transformer en Audrey Tautou. Et, de toute façon, je serai de retour sur le sol américain avant la fin de l’année. C’est tentant d’essayer le style de vie français, mais au bout du compte, je me sens mieux dans un jean.(Slate.fr-29.10.09.)
Par Marisa Meltzer. Son prochain livre, Girl Power, paraîtra en février.
Traduit par Holly Pouquet
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