Avoir 18 ans

*Avoir 18 ans, qu’est-ce que ça change ?


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Ils rêvent de liberté, mais craignent qu’on leur donne trop de responsabilités. Et leurs parents ne savent pas très bien comment exercer leur autorité…

Ils ont, dès l’âge de 16 ans, un physique d’adulte, dépassent même en général de quelques centimètres leurs parents, mais portent encore sur leur visage la candeur de l’enfance. Ils ne veulent plus que leurs parents contrôlent leur vie privée, revendiquent de sortir le soir à l’heure qu’ils veulent, mais comptent encore largement sur papa-maman pour leur préparer à dîner ou remplir leurs fiches d’inscription au lycée. Et leurs parents ne savent pas jusqu’où leur lâcher la bride. Souvent, à court d’arguments, ceux-ci leur lancent : « Quand tu auras 18 ans, on verra. »

On verra quoi ? Que signifie en effet ce palier de la majorité aujourd’hui, quand il ne coïncide pas avec une année électorale ou le passage du permis de conduire ? Quelles incidences a-t-il sur leur vie personnelle, alors que beaucoup de jeunes ont déjà acquis de nombreuses libertés et vivent encore chez leurs parents à 22 ou 23 ans ? Orchestrant ces paradoxes – et ne facilitant ni la tâche des parents, ni celle des jeunes eux-mêmes –, le débat social continue à entretenir le flou sur ces tranches d’âge, voire à se contredire.

On reparle ainsi de façon récurrente de rabaisser l’âge de la majorité civile à 16 ans. Le gouvernement a récemment annoncé qu’à cet âge les jeunes pourraient présider une association, et même créer une entreprise. Les projets de réforme de la justice des mineurs ont également tenté à plusieurs reprises de faire passer l’idée qu’un jeune de 16 ans devait être jugé comme un adulte. Mais, dans le même temps, on a relevé l’âge d’autorisation de vente de tabac et d’alcool de 16 à 18 ans, reconnaissant par là qu’à 16 ans un adolescent avait encore besoin d’être protégé.

Ils ne souhaitent pas qu’on les fasse grandir trop vite

Les jeunes eux-mêmes ne souhaitent pas d’ailleurs qu’on les fasse grandir trop vite. « Entre 16 et 18 ans, ils ont encore un pied dans l’enfance et ils le revendiquent, souligne David Groison, journaliste à Phosphore, magazine de Bayard Jeunesse destiné aux 15-20 ans. Ils ne réclament pas de voter dès 16 ans – ils ne se sentent pas assez mûrs, disent-ils –, ni de travailler et encore moins d’être condamnés par la justice. »

Leur demande par rapport à leurs parents est plus ambiguë. « Ils revendiquent davantage de libertés mais réclament également un cadre, constate David Groison. Même s’ils vont dire “c’est dégueu, je n’ai pas le droit de sortir”, ils demandent à leurs parents d’être adultes et de tenir leur rôle, plutôt que de les laisser tout faire. »

Et l’âge de 18 ans n’est pas toujours un cap important pour eux, comme l’explique Anne Bideault, qui a enquêté pour Phosphore sur le sens de cet anniversaire. « Ils vont certes marquer l’événement par une fête inhabituelle, recevoir des cadeaux symboliques. Mais ils n’escomptent pas de grands changements dans leur vie quotidienne. Et ceux qui en espéraient sont souvent déçus. »

La perspective de devenir « adulte » fait même peur à certains. Beaucoup d’ailleurs refusent ce mot. « Plus jeunes, ils se disent : “Quand j’aurai 18 ans, je serai libre”, mais, en même temps, ils ne veulent pas avoir trop de responsabilités, ça les effraie un peu. On sent qu’ils ont envie que leurs parents continuent à jouer le rôle de boucliers. » Ils n’observent d’ailleurs pas de grands changements dans l’attitude de ces derniers, surtout quand ils continuent à vivre chez eux. Comme le dit une jeune fille : « Quand j’avais 16 ans, ma mère me disait : “À 18 ans, on en reparlera.” Maintenant que j’ai 18 ans, elle me dit : “Je suis encore ta mère !” »

Les parents non plus ne sont pas toujours pressés de les voir grandir

Leurs parents ne sont pas non plus toujours pressés de les voir grandir : c’est rassurant pour eux d’avoir encore des enfants à charge, cela leur permet de se sentir encore jeunes. Leur attitude est aussi paradoxale. Certains donnent à leurs enfants des marges d’autonomie de plus en plus précoces dans certains domaines, mais continuent à les cocooner tardivement dans d’autres. Ils les laissent parfois sortir toute la nuit dès 15 ans, inviter leur petit(e) ami(e) à dormir chez eux à 17, mais continuent à laver leur linge et à faire cuire leur steak à 20.

Certes, il y a des parents plus permissifs, et d’autres plus protecteurs. De même qu’il y a, au même âge, des jeunes plus matures, plus responsables, et d’autres plus vulnérables. Mais la publicité faite autour des risques qu’ils courent (la violence, la drogue…) les incitent souvent à la prudence. « Je ne suis pas prête à donner à mes enfants ce que je réclamais à leur âge, confie ainsi une maman. À 16 ans, je suis partie camper seule avec des amies. Je ne crois pas que je laisserais cette liberté à ma fille. Ou, en tout cas, je serais très inquiète. » « Je sais qu’elle ferait des bêtises, ajoute-t-elle, car j’en ai fait moi aussi. »Le sociologue de la jeunesse Michel Fize (1) reproche d’ailleurs aux adultes de les entretenir dans une certaine forme d’« immaturité », en leur retirant certaines responsabilités ou en ne leur permettant pas de les exercer. « Qu’ils ne veuillent pas être adultes trop tôt traduit ce manque de confiance qu’on leur a distillé, affirme-t-il. Or, les lycéens sont dotés de capacités beaucoup plus importantes qu’on ne le croit. On devrait donc creuser encore plus le sillon des droits qu’on peut leur donner dès 16 ans. Pour que cet âge de transition vers l’âge adulte ne soit pas un âge vide, mais un âge de prise de responsabilités progressive. »

L’apprentissage de l’autonomie se fait dès l’enfance, par petites étapes et ajustements successifs

 Denis Bochereau, pédopsychiatre, est plus nuancé. « Qu’ils ne veuillent pas avoir de responsabilités trop tôt me paraît normal, dit-il. Ils expriment lucidement leur droit à l’enfance, à une forme d’insouciance, d’innocence, dont ils ont envie de profiter. C’est une attitude plutôt saine, du moment qu’elle est temporaire. Tant qu’ils ne sont pas majeurs, les adultes, en particulier leurs parents, ont le devoir de les protéger (parents vient du mot “parer”, protéger). En même temps, ils doivent les stimuler pour qu’ils entreprennent, réalisent par eux-mêmes. » « Les parents, poursuit-il, sont sans cesse en train de se demander s’ils sont trop protecteurs ou trop laxistes. Mais la plupart ont intuitivement compris qu’un enfant s’élève par paliers : ils leur proposent d’exercer des responsabilités de plus en plus complexes, observant au fur et à mesure s’ils les exercent de façon constructive. »

Cet apprentissage de l’autonomie se fait dès l’enfance, par petites étapes et ajustements successifs : le premier trajet en train, la première sortie, le premier week-end passé seul à la maison, les premières vacances entre copains. Les relations parents-enfants deviennent progressivement plus contractuelles et plus équilibrées.

Dans ce processus d’accompagnement progressif vers l’âge adulte (qu’illustre parfaitement la conduite « accompagnée » en voiture), l’accès à la majorité ne se fait donc pas du jour au lendemain. Il est important de marquer cette étape de l’autonomie de façon symbolique par d’autres premières fois : le premier job d’été, le premier grand voyage… Ils devront souvent en attendre d’autres (le premier logement, le premier salaire, le premier enfant…) avant de se sentir réellement « adultes ». (La Croix-25.01.2010.)

(1) Auteur notamment de L’adolescent est une personne… normale. Pour en finir avec le mythe de la crise d’adolescence,

 Éd. Pocket/Évolution, 7 €.
(2) Coauteur avec Philippe Jeammet de
La Souffrance des adolescents
, Éd. La Découverte, 15,20 €.

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**Prendre le temps d’entrer dans l’adolescence…

Longtemps associée aux transformations pubertaires, l’adolescence est devenue plus floue : on ne sait pas très bien à quel âge elle commence ni quand elle se termine. Il y a quelques mois encore, Aurélien n’était qu’un enfant. Et le voilà devenu un grand gaillard d’1 m 80, qui bougonne de sa grosse voix, refuse d’embrasser ses parents, les contredit, préfère s’enfermer dans sa chambre pour communiquer via Internet avec ses copains plutôt que de leur adresser la parole.

Pour Louis, 15 ans, l’entrée dans l’adolescence s’est faite plus en douceur. «Physiquement, il a grandi, témoigne sa mère. Sa voix a mué. Mais si on appelle adolescence le moment où les jeunes prennent de la distance et deviennent un peu rebelles, je ne l’ai pas vraiment sentie : il reste très docile, même s’il est très autonome. En revanche, ajoute-t-elle, notre aîné a toujours été en opposition. Très tôt, il a eu envie de se démarquer de nous dans tout ce qu’il faisait. Mon mari dit toujours qu’il était ado dès le primaire !»

Qu’est-ce qui marque aujourd’hui l’entrée dans l’adolescence ? Les métamorphoses physiologiques ? Une soif d’indépendance, une prise de distance par rapport aux parents ? Une maturité psychique ? L’adoption d’une culture, d’une apparence, de comportements socialement codés «adolescents» ?

Traditionnellement, l’adolescence était associée aux transformations pubertaires, qui pouvaient se produire à un rythme et à un âge variables suivant les individus et les sexes – les filles ayant dans ce domaine une longueur d’avance sur les garçons. Mais elle est de plus en plus analysée aujourd’hui comme un phénomène socioculturel, déconnecté du biologique, les comportements adolescents précédant souvent les manifestations physiologiques.

Adolescents dès la fin du primaire

C’est ce qu’ont observé le sociologue Michel Fize et la psycho- sociologue Marie Cipriani-Crauste, qui ont regardé grandir une classe d’élèves du CM2 (10 ans) jusqu’en troisième (14-15 ans). «Jusque-là, on parlait de l’adolescence comme un phénomène lié à la puberté, souligne Marie Cipriani-Crauste : les enfants se transformaient physiquement et avaient donc des relations différentes avec les adultes. En réalité, le moment décisif se situe dans la dernière année de l’école primaire, quand les enfants se retrouvent être les plus grands, en situation de force par rapport aux autres élèves.»

Ils ont ainsi constaté que beaucoup d’enfants de 10 ans avaient le sentiment de faire partie du «monde des ados». Les filles, à cet âge-là, ont d’ailleurs déjà des signes de puberté. «Ce n’est pas quelque chose qui les gêne, au contraire, précise-t-elle ; elles les considèrent comme des clins d’œil vis-à-vis des garçons, une façon de leur dire : “Vous, vous n’avez encore rien, mais nous, on est en train de grandir”. Les garçons eux, ont tendance à compenser le “retard” qu’ils ont par rapport aux filles, dans ce domaine, en adoptant les vêtements, les coiffures, le “look” des ados.»

«Il est intéressant de voir ainsi, souligne Marie Cipriani, le décalage entre ce que ressentent les jeunes et la perception que les adultes en ont : on a tendance à penser que cette puberté est pour eux un stade difficile à vivre. Alors que ce n’est pas une étape qu’ils craignent : elle constitue au contraire un atout, une étape qu’ils attendent parfois avec impatience pour pouvoir dire qu’ils ont changé.»

Le sociologue François de Singly fait un constat assez proche. Alors que dans les années 1960, la puberté et l’entrée dans la culture «yéyé» étaient à peu près concomitantes, elles sont aujourd’hui déconnectées. Ceux que le sociologue appelle les «adonaissants» (1) ont, dès l’âge de 10-11 ans (fin du primaire, début du collège), leur propre univers culturel, en marge de celui des adultes, mais toléré par eux. Des musiques qu’ils écoutent à l’utilisation qu’ils font d’Internet, en passant par leur apparence : les marqueurs de cet univers sont nombreux, parfois assez modestes (une coupe de cheveux, un caleçon qui dépasse d’un pantalon…), parfois plus criants ; et ils constituent autant de signes d’affirmation de soi («je suis moi») et de leur volonté souvent très précoce de sortir du statut d’enfant.

*Laissons les rester enfants !

De plus en plus de voix s’élèvent néanmoins contre cette tendance à vouloir réduire le temps de l’enfance, en précipitant précocement les enfants dans l’adolescence. Didier Lauru récuse ainsi le terme de «pré-adolescence» qui serait, selon lui, une invention du marketing, et invite les adultes à préserver chez les 8-12 ans cette phase de latence, en les protégeant notamment de la sexualisation ambiante (2).

Patrice Huerre s’insurge aussi contre cette «grave excitation sociale, qui pousse l’enfant à aller de l’avant, en particulier les filles, qui ont une enfance encore plus courte que les garçons». «Laissons donc les enfants rester des enfants ! C’est très important, insiste-t-il, de leur laisser ce temps de pause, qui leur permet d’aborder plus sereinement la puberté.»

Car cette expérience des transformations corporelles, si elle est appréhendée aujourd’hui avec moins de crainte qu’autrefois, n’est pas pour autant anodine. «Le corps d’un adolescent, précise-t-il, change plus vite que l’image qu’il en a ; quand il se regarde dans la glace, il ne se reconnaît pas, et va devoir opérer tout un travail de réconciliation avec lui-même.»

Les adolescents vont ainsi passer du temps dans la salle de bain à se regarder dans la glace, à s’habiller, se coiffer (ou se décoiffer), à se chercher un nouveau style. Ils vont souvent se poser la question de la normalité (est-ce que je ne suis pas trop grand ? pas trop gros ? trop petit ? pourquoi n’ai-je pas encore de poils ?). Et il va falloir les rassurer, en particulier quand ils ne changent pas au même rythme que leurs camarades, qu’ils aient une puberté plus précoce ou plus tardive.

«Ces transformations de ce corps qui se sexualise, poursuit le psychiatre, ont aussi des conséquences sur leurs relations avec les autres, en particulier ceux dont ils étaient jusque-là le plus proches, leurs parents, dont ils ne vont plus accepter la proximité. Ils ont besoin d’une certaine distance, ce que les parents ont parfois du mal à comprendre.»

*Des changements déboussolants pour les parents

La puberté est aussi la période où peuvent se révéler ou se réveiller des fragilités psychologiques anciennes, où certains sont tentés par des conduites extrêmes, pouvant mettre leur santé en danger. La plupart des adolescents vont modifier leurs habitudes alimentaires, leur rythme de sommeil, se coucher de plus en plus tard, et se lever à midi, décalant leur rythme par rapport aux adultes. Ils vont aimer se retrouver entre eux pour faire la fête, à l’abri du regard des parents, tenter des expériences nouvelles (boire de l’alcool, fumer). Autant de façons de marquer qu’ils sont sortis de l’enfance.

Ces changements désorientent leurs parents qui ne savent plus très bien quelle attitude adopter, ni quelles limites poser : jusqu’où tolérer qu’ils vivent dans leur monde ? Comment montrer qu’on a compris qu’ils changeaient, tout en continuant à leur dire ce qu’on pense, être présents sans être trop intrusifs, leur lâcher les baskets, sans pour autant ne plus intervenir, leur faire confiance et éviter qu’ils se mettent en danger ?

«Trouver la plus juste attitude est d’autant plus difficile, souligne Patrice Huerre, que leurs relations avec leurs adolescents sont mêlées d’affectif : quand ils voient leurs enfants ne plus leur parler comme avant, ils croient qu’ils ne les aiment plus ; ils veulent tout faire pour que ça se passe au mieux, et ne supportent pas les conflits.»

La tâche des parents est d’autant plus rude que les repères éducatifs, fournis par le milieu social, ont quasiment disparu. Ce sera donc à chaque parent, en dialoguant au besoin avec d’autres, d’inventer sa manière d’être parent d’adolescent. De s’inscrire dans une démarche graduée, un accompagnement progressif dans l’autonomie donnée à l’adolescent (les horaires de sortie, les exigences scolaires…), en fonction de la connaissance que chacun a de son enfant et de la confiance qu’il lui accorde. (La Croix)

(1) Les Adonaissants, Éd. Armand Colin, 395 p., 20,90 €.
(2) Dernier livre paru :
La sexualité des enfants n’est pas l’affaire des grands, Éd. Hachette Littératures, 135 p., 12,90. €

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4 réponses à “Avoir 18 ans”

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