La chambre n’existe pas depuis la nuit des temps

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On y naissait hier, on y meurt parfois. On s’y meut et on y aime. On y dort puisqu’elle est faite pour ça. La chambre, quelle drôle de pièce.

Une conquête. « Va jouer dans ta chambre ! » sonne comme un appel à faire déguerpir un gamin fatigué et fatiguant. L’envoyer dans sa chambre est à la fois une (petite) punition et une reconnaissance de son autonomie. Ma chambre, c’est chez moi. C’est la seule porte où les parents, les frères et les soeurs frappent avant d’entrer, que j’ouvre et ferme selon mon bon plaisir. Sacrée pièce que celle-là. Elle est apparue au XVIIIe siècle, quand la notion d’individu ou de personne a éclos et fleuri. C’est un endroit presque politique. Une conquête du genre humain.
650 000 heures. C’est le temps moyen qu’une vie normale dédie à sa chambre. Cette pièce d’intimité arrive largement en tête des endroits fréquentés de la maison. Michelle Perrot vient de lui consacrer un livre épais comme un matelas de 400 pages (Histoire de chambres, aux éditions du Seuil).
Passionnante étude. Qu’on en juge : « Bien des chemins mènent à la chambre, le sommeil, l’amour, la méditation, Dieu, le sexe, la lecture, la réclusion, voulue ou subie. De l’accouchement à l’agonie, elle est le théâtre de l’existence, là où le corps dévêtu, nu, las, désirant, s’abandonne. On y passe plus de la moitié de sa vie, la plus charnelle, celle de l’insomnie, des pensées vagabondes, du rêve, fenêtre sur l’inconscient, sinon sur l’au-delà. »
Dans de sales draps. Ce tout petit espace si important change à vitesse grand « V ». Nos chambres contemporaines deviennent doucement des lieux de vie. Et l’électronique y fait, comme partout, son entrée. 57 % des Français de 18 à 55 ans ont une télé dans la chambre. 60 % des 25-35 ans branchent un ordinateur, une télévision et un téléphone portable près de leur lit. Ce qui n’est pas la meilleure manière de trouver le sommeil. Pianoter des boutons empêche de compter les moutons.
Ma mienne. La « piaule », la turne, la carrée est la tanière de l’adolescent. Il y écoute sa musique, décore les murs à sa façon, fait le désespoir de sa pauvre mère, s’y construit. Dans de nombreux foyers français, l’adolescence est ce moment où de la place est dégagée pour offrir sa chambre au grand frère ou à la grande soeur. Et longtemps après que les jeunes ont quitté la maison familiale pour voler de leurs propres ailes, ils passent dans « leur » chambre, histoire de constater que leurs souvenirs y sont bien rangés. Plus qu’un lit, une armoire et une lampe de chevet, ils y ont entassé de l’immatériel précieux. Obtenir sa chambre à soi est un rite initiatique.
Durée de vie. L’espérance de vie d’une chambre en France est d’environ dix ans. Ça tombe bien : c’est la longévité d’un lit où, chaque nuit, l’on s’acquitte de quarante mouvements, soit 150 000 mouvements en 30 000 heures d’utilisation.
Mais l’erreur serait d’assimiler la chambre à son lit : elle est bien davantage que cela. D’abord, un Français sur cinq souffre d’insomnie. On tourne en rond, on réfléchit, on rêvasse. Et surtout : on lit. Huit Français sur dix ont un bouquin tout près de leur coucher. Les yeux travaillent avant de fermer leurs paupières. C’est même, disent des spécialistes, le meilleur chemin vers le sommeil. (Ouest France-25.09.09.)

2 réponses à “La chambre n’existe pas depuis la nuit des temps”

  1. 27 12 2012
    bloons tower defense 5 (11:26:51) :

    Can I republish your post?
    bloons tower defense 5

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