L’odyssée d’un clandestin afghan
Dans le port grec de Patras, en février dernier, des clandestins essaient de s’introduire dans un camion qui s’apprête à embarquer sur un ferry pour l’Italie.
Il aura fallu deux ans et 4 000 dollars pour que le jeune Khaled, originaire de Kaboul, parvienne à franchir les portes de » l’eldorado européen. »
Lorsqu’un soir, Khaled a appelé et dit qu’il avait réussi à passer en Allemagne, toute la famille Golzaï a explosé de joie. Ces deux années d’angoisse et les 4 000 dollars investis pour son grand voyage clandestin n’avaient pas été dépensés en vain. Qadir, l’aîné, n’a pas, lui, l’intention de tenter l’aventure. Il a un bon job de chauffeur pour une société occidentale implantée à Kaboul, qui lui permet de subvenir aux besoins de sa famille.
C’est en juillet 2007 que Khaled annonce à sa famille qu’il va tenter, en compagnie de trois camarades, Raffi, Sami et Ehsan, l’aventure du passage vers l’Union européenne, cette grande terre de Cocagne dont rêvent tous les Afghans urbanisés. Les quatre amis ont 20 ans ; ils sont au chômage ; ils n’ont rien à perdre.
Les voilà partis, avec chacun un sac à dos et 600 dollars en poche. Ils prennent un bus, via Kandahar, pour Zaranj, chef-lieu de la province de Nimruz. Coût du billet : 12 dollars. Les quatre amis ne redoutent aucunement les check-point volants des talibans sur la grande route Kaboul-Kandahar, rénovée à grands frais par l’aide américaine. Les militants islamistes ne s’intéresseront jamais à quatre pauvres hères. Les proies qu’ils chassent sont les fonctionnaires du gouvernement Karzaï et tous les hommes collaborant avec les étrangers. Lorsqu’ils arrêtent un bus, les talibans confisquent les téléphones portables des passagers et consultent leurs « listes de contacts ». Si un nom leur apparaît suspect, ils appellent le numéro. Une voix répond-elle en anglais ? C’est la décapitation assurée pour le propriétaire du portable.
Contrebandiers de père en fils
À l’issue de deux jours de route dans la chaleur et la poussière, les voilà enfin arrivés à Zaranj, où ils logent chez un lointain cousin de Raffi, appartenant à la même tribu pachtoune que lui. En Afghanistan, toute aventure, qu’elle soit guerrière, commerciale ou pèlerinage, repose d’abord sur les connexions tribales.
Il leur faut dix jours pour trouver le bon passeur baloutche et faire affaire avec lui. Contrebandiers de père en fils depuis des temps immémoriaux, les Baloutches n’ont aucun état d’âme. Le trafic transfrontalier est leur profession et ils la considèrent comme aussi honorable qu’une autre. Peu importe la marchandise transportée. Ce peut être des pièces de rechange automobiles, des climatiseurs, des cartouches de cigarettes, des pains d’opium, des sacs d’héroïne, des travailleurs clandestins, le trafiquant baloutche ne fait moralement pas la différence. Simplement, en professionnel, il prend des précautions différentes selon la nature de la marchandise, pour être sûr qu’elle soit acheminée à bon port.
À Zaranj, Khaled et ses trois amis ont un problème. Le passeur baloutche demande 500 dollars à chacun pour les amener à Téhéran. Comment garantir qu’il ne les abandonnera pas dans le désert, une fois qu’il aura empoché ses 2 000 dollars ? Réciproquement, si le paiement ne se fait qu’après service rendu, comment la filière de passage baloutche peut-elle être sûre d’être payée à l’arrivée ? C’est là qu’intervient le système de l’hawala, réseau informel de paiement à distance. Un réseau hawala unit, à travers le monde, des boutiquiers musulmans qui se font entre eux une confiance totale. Les familles des quatre candidats au grand voyage versent 2 000 dollars en tout à un bureau hawala de Kaboul, lequel a un correspondant, du nom d’Ibrahim, à Téhéran. Ce dernier s’engage à payer les Baloutches le jour même où ils lui présenteront physiquement les clandestins, lesquels s’identifient à lui par un code convenu à l’avance.
Un jour, les voici tous les quatre partis dans la Corolla du passeur baloutche, qui s’arrête à la fin d’un chemin de terre. Une heure et demie de marche dans le désert pour franchir clandestinement, au crépuscule, la frontière entre l’Afghanistan et l’Iran. Un autre passeur baloutche les attend dans un vieux 4 ×4, pour les conduire sur-le-champ jusqu’à la grande ville iranienne de Mashhad. Ils roulent toute la nuit, pour être moins visibles dans leurs vêtements afghans. Car il n’est pas rare que la police iranienne effectue de grandes rafles de clandestins pour les ramener ensuite, par centaines, à la frontière afghane. À Mashhad, les passeurs baloutches fournissent aux quatre amis des jeans et des tee-shirts, afin qu’ils ressemblent à n’importe quels jeunes Iraniens. Un à un, en compagnie d’un convoyeur baloutche, ils sont ensuite envoyés en bus chez Ibrahim, qui, à réception, débourse les 500 dollars convenus.
À Téhéran, sur indication d’Ibrahim, les quatre Afghans trouvent à s’embaucher sur l’un des innombrables chantiers de construction de l’immense capitale iranienne. Depuis que l’Occident a imposé des sanctions à l’Iran, tous les mollahs du régime ont rapatrié leurs avoirs à l’étranger, qu’ils investissent dans l’immobilier. Là, les quatre amis sont payés 14 dollars la journée, trois fois plus que ce qu’ils auraient pu gagner pour un tel travail en Afghanistan. Ils ne dépensent pratiquement rien, passant leurs nuits sur le chantier, emmitouflés dans des couvertures.
Au bout de huit mois de travail, ils ont suffisamment d’économies pour payer le prix d’un voyage clandestin vers Istanbul : 1 200 dollars chacun. Ehsan, qui s’est fait des amis à Téhéran, décide de rester en Iran. Les trois autres confient l’argent destiné aux passeurs iraniens à Ibrahim, lequel a un correspondant turc à Istanbul, du nom de Mustapha.
Faux papiers
Khaled passe la frontière turque à un poste officiel, grâce aux faux documents d’identité iraniens donnés par son passeur. Moins chanceux, ses deux compagnons sont refoulés une fois. Mais ils parviennent à passer à leur deuxième tentative. Le voyage, individuel, à travers la Turquie, va prendre plus d’un mois. Chaque Afghan monte dans un bus différent, avec un passeur iranien. La route à travers la Turquie prend du temps, à cause des nombreux barrages de police. La technique est de descendre du bus, dès qu’on aperçoit au loin un barrage, puis d’attendre le nombre de jours nécessaires que le barrage soit levé.
Trois jours de repos à Istanbul chez Mustapha, sans jamais sortir de la maison. Mauvaise nouvelle : le coût du passage en Grèce réclamé par les passeurs turcs s’élève à 2000 dollars par tête. Les familles sont contactées à Kaboul : elles acceptent de payer. À la tombée de la nuit, une voiture emmène les trois Afghans sur une plage déserte d’Asie mineure, près de la bourgade d’Ayvalik. Un bateau de pêche les attend, qui, après deux heures de traversée, les débarque avant l’aube sur une plage de l’île grecque de Lesbos. Ayant appris de leur passeur la procédure, ils se rendent immédiatement au premier poste de police, où ils demandent l’asile politique. Une semaine de camp de rétention, puis la police les emmène en ferry à Athènes, où un commissariat leur délivre une « carte verte » de résidence provisoire, avant de les libérer. Sami décide de rester à Athènes. Raffi, dont la famille est la plus riche, se fait envoyer l’argent pour la confection de faux papiers et l’achat d’un billet d’avion pour l’Italie. Un mois plus tard, Khaled reçoit un coup de fil émis par un portable anglais : son ami a réussi à monter d’Italie vers Calais en train, et de là à gagner l’Angleterre caché dans un poids lourd.
Khaled donne 100 euros à un camionneur en partance du port d’Athènes pour celui de Bari, qui le cache dans la cargaison. Mais à l’arrivée, la police italienne le repère. Le camionneur explique, comme convenu, que l’Afghan s’est caché dans son chargement à son insu. Khaled est renvoyé par le même navire à Athènes. Il appelle alors sa famille, qui accepte de lui renvoyer de l’argent. Achat de faux papiers et d’un billet pour Francfort. Cela marche. Khaled sort de l’aéroport et commence à marcher dans les rues d’un pays dont il ne connaît rien. Il se livre au premier poste de police venu. Les policiers l’envoient dans un « läger ». Khaled est surpris par la qualité de la nourriture et par le fait qu’on lui donne de beaux vêtements neufs. Deux fois par semaine, des professeurs viennent donner des cours d’allemand aux prisonniers. Lors des interrogatoires, Khaled n’essaie pas de prétendre qu’il est menacé par les talibans ; il se contente de dire qu’il n’y a pas d’avenir pour lui dans son pays, pas d’études ni de travail possibles. Au bout de six mois, on lui donne des papiers provisoires et on l’autorise à sortir seul du camp, à condition de ne pas s’éloigner de plus de 20 kilomètres. C’est au cours de sa première sortie que Khaled achète une carte SIM, la glisse dans son portable et appelle sa famille à Kaboul.
Qadir a maintenant fini le récit du grand voyage de son frère. Il en est fier. Il sait aussi que l’installation réussie de Khaled en Allemagne constitue une planche de salut potentiel pour toute la famille, au cas où les choses tourneraient vraiment mal en Afghanistan…(Le Figaro-07.10.09.)
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