Le retour des charters de la honte
Immigration . En contradiction avec le droit international, le gouvernement persiste à vouloir organiser des vols groupés vers Kaboul et onze autres pays, pour la plupart en guerre.
Ils étaient plus de cent cinquante, mardi soir, devant l’aéroport de Lesquin, près de Lille, pour protester contre le projet du ministre de l’Immigration de renvoyer à Kaboul, par charter franco-britannique, les Afghans restés en rétention après « l’évacuation » de la « jungle » de Calais. Finalement, il n’y a pas eu de charter, mardi soir. Officiellement parce que la France n’est pas parvenue à s’entendre avec l’Azerbaïdjan, où l’avion devait faire escale. L’argument avait déjà été donné le 17 novembre 2008, quand le même ministre avait déjà tenté d’affréter un charter pour l’Afghanistan. En réalité, mardi comme il y a un an, c’est le tollé immédiat des associations de défense des droits de l’homme et de certains syndicats, ainsi qu’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme qui ont arrêté le massacre.
En effet, sept des huit Afghans qui restaient en rétention après la dernière rafle de Calais ont dénoncé devant la Cour européenne un risque de torture et de mauvais traitements en cas de retour, l’impossibilité de déposer une demande d’asile, et la violation de l’interdiction des expulsions collectives. Des arguments retenus par le juge européen, qui a indiqué au gouvernement français que les requérants ne devaient pas être renvoyés en Afghanistan. Il est toujours savoureux de rappeler à un ministre qui proclame, haut et fort, agir pour défendre « l’État de droit » que les renvois groupés dans les pays d’origine sont interdits par le droit, en l’occurrence la Cour européenne des droits de l’homme, et contraires à la convention de Genève.
Depuis le mois de juin, Éric Besson, en bon féal, avait annoncé qu’il fallait éradiquer la « jungle » et ses passeurs. Comme Nicolas Sarkozy avait voulu éradiquer les migrants de Calais en détruisant le centre de Sangatte. Le résultat est le même : les étrangers sont toujours là, ou à proximité. La démonstration de force, cette fois, a permis d’arrêter 276 personnes, d’en envoyer 140 en centre de rétention… Ensuite, c’est le fiasco total : la justice remet 132 personnes en liberté. Il n’y avait même pas un seul petit passeur dans le lot, ils avaient décampé depuis longtemps quand l’armée de Besson, annoncée à grand renfort de trompettes, est arrivée sur place. La pilule est amère et un petit coup de charter aurait fait joli pour en surmonter le goût, affirmant aux yeux de tous la supériorité du ministre sur tous ces empêcheurs d’expulser en rond.
en « sécurité » à kaboul ?
Mais ce n’est que partie remise, a tenu à préciser Éric Besson, têtu, sur RMC, hier. « Il y aura des vols groupés sous réserve qu’un certain nombre de conditions soient remplies, que nous puissions être certains que les personnes seront en sécurité en arrivant à Kaboul et, deuxièmement, qu’il y ait possibilité d’une aide à la réinstallation. » Et d’ajouter : « Si on n’a pas le statut de réfugié, si on n’accepte pas le retour volontaire, et pour envoyer un message de fermeté aux passeurs, oui, je vous confirme que la France reconduira à la frontière pour les douze nationalités qui sont représentées dans le Calaisis. » Il y aurait actuellement entre quarante-cinq et cinquante Afghans en centres de rétention, les autres nationalités étant essentiellement celles de pays eux aussi particulièrement instables ou en guerre, comme l’Érythrée, la Somalie, le Soudan, l’Irak…
Afflux de demandes d’asile
Ces étrangers qui fuient les guerres n’ont pas grand-chose à voir avec l’image dominante de l’étranger en quête de l’Eldorado britannique. Bien sûr, ils visent la Grande-Bretagne parce qu’ils sont plutôt anglophones et souvent aussi parce qu’ils ont déjà de la famille en Grande-Bretagne. Mais la grande majorité des étrangers du Calaisis souffrent surtout d’un manque de possibilité de demander l’asile. Pour preuve, l’engorgement du bureau qui a été ouvert récemment à Calais et la situation d’une quarantaine d’Afghans, à Nîmes et à Lyon (où ils avaient été envoyés en rétention puis libérés par les tribunaux). Ces migrants, explique Damien Nantes, de la CIMADE, ne veulent plus vivre dans leur pays, ont enclenché une demande de procédure d’asile, mais risquent un refus parce que la France n’est pas leur premier pays d’arrivée en Europe. Une situation ubuesque, née de la convention Dublin II, dont Sarkozy et Besson n’ont cure. D’où leur seule promesse aux migrants de Calais : un aller simple pour Kaboul. (L’Humanité-08.10.09.)
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*Encore un sans-papiers arrêté sur délation
Yaro S., né en 1968 en Mauritanie, en France depuis 2002 et travaillant comme aide-cuisinier dans un restaurant, est allé, samedi dernier, à l’agence de la Société Générale de Boulogne pour retirer de l’argent de son compte. Il a présenté comme pièce d’identité la carte de séjour avec laquelle il avait ouvert son compte en 2005. La carte était fausse, le guichetier a appelé la police. Yaro, qui venait de déposer un dossier de régularisation par le travail, a été placé en en rétention immédiatement. La CIMADE a demandé l’annulation de la reconduite à la frontière auprès du tribunal administratif de Melun.
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*Une annonce bien opportune
Éric Besson a finalement trouvé des passeurs. Hier, vingt-sept personnes ont été interpellées, sept en région parisienne, quinze en Allemagne, par la police de Hambourg, et cinq en Angleterre, après neuf mois d’investigations, a annoncé, dans un communiqué, hier après-midi, le ministère de l’Immigration. La filière était sri lankaise et de « dimension internationale ». Prix du voyage par clandestin, entre 12 000 et 20 000 euros. Coût du passeur, 1 000 euros. Le ministre a salué la « coopération exemplaire » entre les forces de police françaises et celles de Hambourg.
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*Immigration. « Des vies sont mises en danger à des fins électoralistes »
Fin connaisseur de la situation des migrants à Calais, le cinéaste Sylvain Georges réclame une campagne contre les expulsions dans des pays non sûrs.
Cinéaste et activiste politique, Sylvain Georges travaille aux côtés des migrants qu’il filme depuis plusieurs années à Calais, à Paris et sur le continent africain (1). Observateur aguerri des mobilisations qui les soutiennent et de la répression à laquelle tous sont exposés, il analyse l’annonce de ce charter pour l’Afghanistan à la lumière de son contexte politique de criminalisation des migrations et des mouvements sociaux.
Quel est le bilan pour les migrants de la destruction de la jungle ?
Sylvain Georges. Quand on va maintenant dans la jungle à Calais – et j’y suis allé-, c’est le désert ou presque. Les migrants qui sont encore là et ont vécu cette évacuation ont été touchés dans leur intégrité physique et psychologique. Leurs droits les plus légitimes n’ont pas été respectés. Il est impossible de dire, comme Éric Besson l’a fait, que la destruction a été menée avec délicatesse. Des enfants pleuraient, des militants ont été maltraités… La jungle a été « nettoyée » de la même manière qu’il y a quelques années Nicolas Sarkozy réclamait qu’on « nettoie » la banlieue « au Karcher ». On voit très clairement la continuité de cette politique. Tout a été rasé dans un mépris total des personnes. On leur dit qu’il y a mieux que des bidonvilles. Mais que leur propose-t-on d’autre ? Rien.
Où en est la situation aujourd’hui à Calais ?
Sylvain Georges. D’autres destructions ont suivi, parfois symboliques. Il y a quelques jours, Éric Besson s’est rendu dans le squat – trois cabanes- des Soudanais et des Érythréens. Ce matin même (hier matin – NDLR), les cabanes qui étaient de l’autre côté du quai où l’association Salam donne à manger aux migrants ont été détruites. Et les migrants qui y étaient, arrêtés. Il y avait déjà un harcèlement permanent dans les jungles, il redouble aujourd’hui, dans chacun des lieux où les personnes essayent de se réfugier pour dormir : sous les ponts, dans les taillis. Après Sangatte, on a assisté à une dissémination des migrants sur tout le nord du littoral, et quand on fait le compte, on arrive à exactement la même population qu’avant. La question n’a donc pas été réglée mais déplacée avec des conséquences dramatiques. Les personnes sont confinées à l’invisibilité, se répartissent dans de petits endroits. Et vont être exposées aux différentes mafias de passeurs, alors même que l’objectif officiel était de les démanteler.
Comment avez-vous réagi à l’annonce du charter ?
Sylvain Georges. À présent, de grandes démocraties peuvent violer leurs engagements au vu et au su de tous, et expulser des gens qui sont en danger de mort. L’Angleterre préfère payer des amendes plutôt que respecter ses engagements dans le cadre de la Convention de Genève et la France s’aligne sur cette position-là. Toute personne sensée ne peut pas ignorer que l’Afghanistan est un pays en guerre. Quelle que soit la position par rapport aux politiques migratoires, on ne peut pas accepter que des vies soient mises en danger à des fins électoralistes. En 2008, un charter avait été annulé officiellement pour raisons diplomatiques, mais l’annulation était bien évidemment due à la mobilisation. Le gouvernement a reculé, cela montre l’inanité de sa position politique.
C’est aussi une preuve de l’efficacité de la mobilisation…
Sylvain Georges. Oui, ces mobilisations qui sont le fait d’associations, de groupes, souvent minoritaires, s’avèrent efficaces. Le gouvernement sait qu’en face de lui, il a des personnes correctes, droites, déterminées, et cela le met un peu mal à l’aise. Ensuite, il faut rester très vigilant. Demain, les reconduites dans des pays non sûrs pourraient se faire, non pas par des charters, mais de façon plus discrète, sur le même mode que les arrestations de sans-papiers, lors de petites opérations ciblées mais multiples. Il faut que les partis politiques et les grosses associations se mobilisent, dans une campagne massive contre ces retours dans des pays non sûrs.(L’Humanité-08.10.09.)
(1) Son film, l’Impossible, pages arrachées, sera projeté le 13 novembre prochain au 104, 11 bis, rue Curial, Paris 19e (www.104.fr).
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*Immigration. Réactions
- Parti communiste français. « C’est abject. Depuis la Seconde Guerre mondiale, il était admis que toute personne d’un pays en guerre avait le droit de se réfugier hors territoire en conflit.
Cela s’appelle le droit d’asile… Comment peut-on renvoyer ces hommes et ces femmes vers un pays en guerre dans lequel ils risquent la torture, pire, leur vie ? C’est indigne de la condition humaine, ce serait indigne de la République. »
- François Hollande, député socialiste. « Qu’il y ait des reconduites à la frontière de personnes qui n’ont pas à être sur le territoire, c’est la République… Mais que l’on renvoie en Afghanistan, pays en guerre, des hommes, des femmes, des enfants, alors même que les règles de droit ne nous le permettent pas, je considère qu’il y a là un excès de pouvoir commis par l’État. »
- Djamila Sonzogni, porte-parole des Verts. « C’est incroyable d’envoyer des Afghans dans un pays en guerre et oser dire que ce n’est pas dangereux… On pensait qu’on ne pouvait pas avoir pire que Brice Hortefeux, mais si… On a vraiment dépassé la limite. »
- Nouveau Parti anticapitaliste. « Après avoir procédé à une rafle médiatique, Éric Besson, ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale, se prépare à franchir un pas de plus dans la traque aux sans-papiers et aux réfugiés. (…) Il faut imposer par la mobilisation (…) que les réfugiés soient traités correctement, c’est-à-dire qu’ils trouvent aide et protection en Europe, au lieu d’être traqués comme ils le sont aujourd’hui. »
- Éliane Assassi, sénatrice communiste. « En réactivant ainsi les charters de la honte de M. Pasqua, M. Besson franchit une étape supplémentaire dans l’ignominie… Ces refoulements expéditifs sont contraires au principe d’interdiction des expulsions collectives et ne peuvent que conduire à des pratiques arbitraires et inhumaines. Sans oublier qu’ils bafouent un droit fondamental : celui de demander l’asile. »
- Mouvement de la jeunesse communiste.« Ces dernières vingt-quatre heures, 10 soldats afghans et plus de 100 talibans ont été tués ou blessés, et ce sont 400 soldats étrangers qui y ont péri depuis le début de l’année. L’Afghanistan est bien un pays en guerre. Renvoyer dans ce pays des enfants, des femmes et des hommes, qui veulent juste vivre en paix, est inhumain et criminel. »
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*Immigration. « Démission politique, faute morale »
Président de France Terre d’Asile, Pierre Henry fustige la décision française et réclame une politique européenne de solidarité.
Aujourd’hui comme en 2008, vous vous opposez à tout éloignement vers l’Afghanistan. Pourquoi ?
Pierre Henry. Le retour forcé vers l’Afghanistan n’est pas une solution acceptable dans l’état actuel du pays, c’est une démission politique et une faute morale. À qui veut-on envoyer un signal ? Aux passeurs ? Les Britanniques ont renvoyé 450 personnes en 2008 et cela n’a pas fait cesser les migrations. Comment agir ainsi alors qu’on justifie la présence de troupes françaises par l’état moyenâgeux du pays ? Selon un rapport du Pentagone, plus de 80 % de la population vit sous l’emprise des talibans. Les insurgés règnent la nuit sur l’ensemble des villes d’un pays qu’ont fui plus de trois millions de personnes, où il y a plus 500 000 personnes déplacées, où il n’y a plus de système d’éducation et de santé, où la corruption est généralisée, et où la France soutient un président impopulaire… Et malgré ça, nous n’accordons pas de protection à ses ressortissants à l’étranger ! Le seul signal que nous envoyons est un message de renoncement à nos propres valeurs.
Que proposez-vous ?
Pierre Henry. En 1999, devant une crise majeure, en l’occurrence au Kosovo, le Conseil européen avait pris une résolution, finalement adoptée en juillet 2001 : elle prévoyait qu’en cas d’arrivée massive, l’ensemble des États européens pouvaient accorder une « protection temporaire » renouvelée tous les six mois, donnant autorisation de travail. Nous appelons donc aujourd’hui la Commission européenne à saisir le Conseil pour que cette directive soit de nouveau mise en oeuvre. À Calais, on voit le résultat de plusieurs problèmes : l’égoïsme britannique qui exporte sur notre territoire ses problèmes migratoires ; la corruption et l’incompétence du système grec qui n’a pas de politique d’asile juste et équitable. Nous demandons une chaîne de cohérence. Il faut que les gens aient accès à une procédure d’asile, à un hébergement digne, qu’ils ne soient pas systématiquement placés sous la convention Dublin II. Aujourd’hui, malheureusement, la seule vision européenne partagée est la vision sécuritaire.(L’Humanité-08.10.09.)
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*Besson, l’homme pressé de la droite
Ancien socialiste, le ministre de l’Immigration s’est reconverti en serviteur zélé de Nicolas Sarkozy dont il rêve désormais de devenir le premier ministre.
Et si le meilleur représentant de la « droite décomplexée » chère à Nicolas Sarkozy n’était autre qu’Éric Besson, le transfuge du Parti socialiste, ravalant toute honte pour se « vendre » au camp d’en face en pleine campagne présidentielle ? L’ancien proche de Ségolène Royal, ex-secrétaire national du PS à l’économie, s’est mué, en à peine deux ans, en premier sarkozyste de France. Promu secrétaire général adjoint de l’UMP cette année, il se rêve désormais en premier ministrable. C’est le Parisien qui le révèle, dans un dossier de quatre pages consacrées, hier, au parcours du ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale. Aujourd’hui, l’Express, dans un encart d’une dizaine de pages, devrait consacrer une large place au livre de son ex-femme, Sylvie Brunel, qui charge son ex-mari.
Si les mots ont un sens, ceux employés par le quotidien sont symptomatiques : plutôt que de « trahison » et de « revirements », le quotidien préfère parler de « ralliement » et d’« ascension ». Clé de ce succès foudroyant : Éric Besson est devenu le « chouchou de Nicolas Sarkozy ». En homme pressé, Éric Besson a compris que pour prendre du galon, il fallait gagner le concours du zèle auprès du chef de l’État. Et de zèle, Besson n’en manque pas. Celui qui fustigeait les « effets dévastateurs de la politique menée depuis 2003 » par Nicolas Sarkozy qui « fabrique des sans-papiers » (« Les inquiétantes ruptures de M. Sarkozy », janvier 2007, Éric Besson), n’a pas hésité à se glisser dans les traces de Brice Hortefeux, au poste de ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale, en janvier dernier. Un portefeuille emblématique de la volonté de « rassurer l’électorat de droite et d’extrême droite, en prétendant lutter toujours et encore contre l’immigration »… (même livre). Dès son arrivée, Besson se fait remarquer par un lapsus ô combien révélateur, évoquant « l’invasion venue d’Afrique » au micro de RTL… pour parler d’immigration.
Chez Éric Besson, tous les moyens sont bons. Quitte à distiller des contre-vérités, à nier l’évidence de l’inhumanité de sa politique ou à se contredire, ce qui chez lui semble une seconde nature. En mars, il n’hésite pas à s’en prendre au film Welcome, de Philippe Lioret, l’accusant de propager un « mythe » à propos du délit de solidarité qui frappe les personnes venant en aide aux migrants. Pourtant, en février, le même avait déclaré : « Tous ceux qui contribuent, dans un but lucratif ou non lucratif, par passion ou par idéologie, à ces filières clandestines, doivent être poursuivis. » Sont visés non seulement les citoyens leur venant en aide, mais « tous les concubins et partenaires en situation irrégulière qui ne sont pas mariés », s’indigne l’association Les Amoureux au ban public. En mai, le ministre s’attaque bille en tête à la CIMADE, association de soutien aux migrants, en confiant, au mépris d’une décision de justice, l’assistance juridique des immigrés en centre de rétention administrative à six associations, dont certaines dirigées par des… militants UMP.
Le 22 septembre, il voit dans la destruction à coups de bulldozers de la « jungle » de Calais, qui abrite les migrants, une opération « menée avec humanité et délicatesse ». « La France n’a pas de leçon d’humanité à recevoir, fanfaronne Éric Besson. À ceux qui trouvent qu’il y a trop de pression policière sur les migrants, je réponds qu’il n’y en a pas assez. » Quelques jours plus tôt, il était venu au secours de son ami Hortefeux, pris en flagrant « dérapage » sur les personnes d’origine arabe. Dernièrement, le ministre s’est vanté de son activisme en matière d’expulsion : 17 350 sans-papiers boutés hors de France en seulement neuf mois. Mais il a promis aussi d’accélérer le tempo, pour parvenir à l’objectif de 27 000 expulsés dans l’année, fixé par Nicolas Sarkozy. « Je ne vais renoncer à rien », prévenait-il, refusant au passage de mettre fin à l’enfermement des enfants dans les centres de rétention…(L’Humanité-08.10.09.)
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*L’indignité
éric Besson semble confirmer la formule du philosophe anglais Francis Bacon : « On ne parvient aux dignités que par mille indignités. » Le renvoi par charters – en complicité avec Londres – vers Kaboul de migrants qui ont fui leur pays ravagé par la guerre fait partie de ces décisions qui frappent leurs auteurs et les gouvernements d’une tache indélébile. Le ministre ne pourra pas dire demain, quand des expulsés seront assassinés, qu’il ne savait pas les risques encourus ou qu’il a seulement obéi aux ordres du président de la République. Faisant sa chattemite, le préposé à l’Immigration et à l’Identité nationale a prétendu qu’il ne serait procédé à ces « reconduites forcées à la frontière » que « si nous pouvons être certains que les personnes soient en sécurité quand elles arrivent à Kaboul ». Comme si tous les jours la population n’était pas frappée ici par un bombardement américain, là par des représailles des talibans, ailleurs par le pilonnage d’un camion-citerne ou encore vitriolée comme ces jeunes filles qui veulent étudier. C’est vers cet enfer que ces sans-papiers seront plongés. La veste retournée fera-t-elle apparaître l’habit du bourreau ?
Rejetés dans une société dévastée, ruinés par le tribut des marchands d’hommes qui se sont faits passeurs, les expulsés n’auront de cesse de retrouver la faille qui leur permettra d’échapper au malheur. C’est un cycle toujours recommencé qu’amorceront ces lamentables voyages.
L’opération de « nettoyage » de la jungle à Calais n’a de sens que s’il y a des expulsions, avait affirmé Nicolas Sarkozy. C’est bien ce qui la rend indigne, plus encore que la violence ou l’inhumanité des méthodes employées à cette occasion. « Il est urgent, a déclaré hier le PCF, de rendre son sens au droit d’asile en Europe en prévoyant un mécanisme permettant à tout réfugié de solliciter une protection dans le pays de son choix », tandis que les Verts jugeaient qu’Éric Besson a dépassé son prédécesseur Brice Hortefeux dans cette « dérive inquiétante », et que Martine Aubry réclamait des explications au pouvoir. Les associations humanitaires sont unanimes à protester contre ces charters de la honte. L’honneur de la République est là, pas sous les lambris dorés de l’Élysée. Ce sont tous les réseaux de la fraternité sans frontières qui en sont aujourd’hui les dépositaires.
Ce type d’exclusion affecte l’image même qu’une nation peut avoir d’elle-même. Un tel acte deviendrait un stigmate durable. Il intervient alors même que les grandes puissances qui s’étaient jetées dans la guerre afghane sont en échec, battues sur le terrain et rejetées dans les consciences. À Washington, la Maison-Blanche ne peut pas admettre la défaite mais voudrait bien satisfaire l’opinion américaine et réduire les troupes stationnées en Afghanistan. Les généraux voudraient au contraire engouffrer de nouvelles divisions dans ce bourbier en espérant ainsi éviter l’humiliation d’une déroute. En Grande-Bretagne aussi, une majorité de l’opinion publique aspire au départ des soldats britanniques. Nicolas Sarkozy a accru l’engagement militaire français. Sans grand résultat, autre que le retour plus fréquent des cercueils. C’est une lourde responsabilité qu’avoir ainsi choisi la guerre et l’occupation. Il faut aussi en assumer les conséquences, et notamment pour ces populations qui fuient les conflits et dont il était admis que les autres pays devaient les accueillir. Il vaudrait mieux qu’un jour, les autorités françaises ne soient pas obligées de constater que tout est perdu… l’honneur aussi. (L’Humanité-08.10.09.)
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entretien
Jérôme Valluy « On construit politiquement l’étranger comme un problème de société »
Pour le sociologue Jérôme Valluy, le gouvernement espère ainsi justifier une politique migratoire extrêmement restrictive.
Jérôme Valluy est professeur de sociologie politique de l’action publique à l’université Panthéon-Sorbonne (Paris-I). Dans son dernier ouvrage paru, Rejet des exilés. Le grand retournement du droit de l’asile (1), il défend la thèse d’une xénophobie de gouvernement qui a transformé l’image publique des étrangers, les stigmatisant comme une menace. Un phénomène qui sert aujourd’hui à justifier les politiques de fermeture des frontières.
À l’occasion de la Journée mondiale du réfugié, le ministre de l’Immigration, Éric Besson, a qualifié la France d’« accueillante et solidaire ». Que vous inspirent ces qualificatifs ?
Jérôme Valluy. La France n’est ni accueillante ni solidaire. Avec 85 % de refus, elle fait même partie des pays européens qui rejettent massivement les demandes d’asile. Il est vrai que, depuis 2007, on observe une baisse du taux de rejet des demandes d’asile, sans qu’on puisse d’ailleurs vraiment expliquer pourquoi. Conjoncturellement, le propos d’Éric Besson n’est donc pas complètement faux. Mais il faut regarder les tendances lourdes. Or la tendance lourde, avec la création du ministère de l’Identité nationale, c’est la mise sous tutelle du droit d’asile, avec une institutionnalisation d’une xénophobie dans l’appareil d’État. On stigmatise la présence étrangère sur le territoire en construisant politiquement l’étranger comme un problème de société. C’est une tendance historique qu’on retrouve d’ailleurs dans d’autres pays en Europe.
De quand date ce que vous appelez « le grand retournement du droit d’asile » ?
Jérôme Valluy. Du début des années soixante. La décolonisation a un impact important sur les sociétés métropolitaines. Les recherches récentes d’historiens montrent une première conséquence très matérielle : les fonctionnaires en place dans les pays colonisés se recyclent dans l’appareil d’État des métropoles. On observe une surreprésentation de ces rapatriés des colonies dans deux secteurs : les affaires sociales et le secteur militaro-policier. Ils sont supposés, avec leur expérience coloniale, avoir acquis une connaissance de l’indigène. Cet indigène d’hier est l’immigré d’aujourd’hui. La guerre d’Algérie sert de laboratoire. 1,5 million d’Algériens vivent alors en métropole. À partir de 1954, on met en place un ensemble de dispositifs policiers et sociaux pour encadrer cette population perçue comme menaçante, puisque proche du FLN. Les mentalités ne changent pas du jour au lendemain : après les accords d’Évian en 1962, ces ennemis de l’intérieur ne voient pas leur image modifiée. Ils continuent à être traités comme des populations dangereuses. À la fin des années soixante, le phénomène a pris de l’ampleur et on voit bien dans les archives administratives que l’immigré comme problème est une évidence technocratique. En 1969, 90 % des directeurs de foyers Sonacotra sont des anciens militaires engagés dans les guerres coloniales. Ils sont supposés savoir mâter l’indigène en cas de révolte dans les foyers. On voit bien que l’action sociale est aussi une modalité pour masquer l’encadrement de populations jugées dangereuses. Tout cela est encore très technocratique, cela ne passe pas dans l’espace public.
À partir de quand cette conception de l’étranger devient-elle publique ?
Jérôme Valluy. La crise pétrolière ouvre une fenêtre d’opportunités pour la politisation de cette évidence technocratique. En 1974, le gouvernement annonce la fermeture des frontières. Jusqu’en 1979, on assiste à un emballement de la législation anti-migratoire. Six lois sont votées en cinq ans, qui ont toutes pour finalité la répression migratoire : interdiction des regroupements familiaux, contrôles au faciès, restrictions au travail… Et ce avant même la montée du Front national. Dans les années soixante-dix, le FN n’est en effet qu’un groupuscule folklorique d’extrême droite qui ne pèse rien électoralement. Il n’apparaît dans le champ politique qu’en 1983 avec près de dix ans de retard. En réalité, c’est cette politique anti-migratoire qui prépare le terreau électoral d’une remontée des partis d’extrême droite.
Quel rôle la construction européenne joue-t-elle dans cette évolution ?
Jérôme Valluy. Les Européens ne connaissent que la face souriante de l’espace Schengen : la liberté de circulation qui leur permet de pouvoir passer d’un pays à l’autre en montrant simplement sa pièce d’identité. Ce qu’ils ne voient pas, c’est la face sombre : la fermeture des frontières européennes. On l’observe objectivement en Grèce. Accusée d’être la passoire de l’Europe, elle a d’abord été exclue de l’espace Schengen. Pour pouvoir intégrer le club, la Grèce a mis en place des procédures d’asile, atteignant, en 2003, 99,9 % de rejets des demandes d’asile ! Pourtant, ce pays n’a pas de parti xénophobe, puisque la mémoire encore vive de la dictature réfrène l’émergence de l’extrême droite. Donc, cette politique ne vient pas du bas, de la population, mais bien du haut, sous la pression de l’Union européenne.
L’UE, elle, met ensuite en place une politique d’externationalisation des frontières qui privilégie le sécuritaire à l’accueil des réfugiés…
Jérôme Valluy. Le programme de La Haye, intitulé Justice, liberté, sécurité (JLS), est mis en oeuvre depuis juin 2004. Il compte en fait 10 % de justice et de liberté et 90 % de sécurité ! Le développement des politiques sécuritaires amalgame le terrorisme et l’immigration. On assiste à la création de l’agence Frontex, l’armée douanière de l’UE. Les États membres lui allouent de véritables moyens militaires pour le contrôle des frontières, particulièrement celles du Sud. Il s’agit d’une avancée de nature impérialiste : ses avions et ses hélicoptères survolent les côtes sénégalaises, ses bateaux militaires entrent dans les zones territoriales libyennes, ses avions drones survolent le Sahara avec des détecteurs de chaleur pour repérer des mouvements… Autrement dit, on mène une véritable guerre, avec un appareil militaire. On instrumentalise le droit d’asile en amenant les pays limitrophes à développer leurs propres procédures. Par exemple, le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) ouvre une délégation à Rabat, alors qu’il n’en avait jamais ouvert puisque les demandes d’asile n’affluaient pas au Maroc pour des raisons assez facilement compréhensibles… Cela permet de créer artificiellement une demande d’asile sur le territoire marocain, les migrants subsahariens pensant que le récépissé donné par le HCR va leur offrir une protection auprès de la police marocaine. Mais le HCR rejette 75 % des demandes d’asile à Rabat. Or, une fois que la demande est rejetée dans un pays, elle ne peut pas être reformulée dans un autre… L’anticipation géographique du rejet de la demande d’asile, avant l’arrivée dans les pays européens, permet de baisser artificiellement le taux de demande d’asile recevable dans les pays de l’Union européenne.
Le HCR est donc complice de cet artifice ?
Jérôme Valluy. Il est surtout instrumentalisé. C’est l’un des paradoxes du HCR. Cette institution très puissante, avec plus de 6 000 salariés dans 118 pays, a une légitimité de type gouvernemental. Et pourtant, le HCR est extrêmement faible sur la scène gouvernementale internationale. Pourquoi ? Parce que 98 % de son budget annuel est alimenté par des dotations volontaires des États les plus riches du monde. Les fonds de l’ONU représentent moins de 3 % du budget total. Ce mode de financement le met dans une dépendance totale des pays les plus riches de la planète.
La politique européenne du droit d’asile a-t-elle beaucoup changé après les attentats du 11 septembre 2001 ?
Jérôme Valluy. Non, pas du tout. Comme avec le choc pétrolier de 1974, on a construit un mythe de 2001 en relation avec les attentats du World Trade Center, disant que la menace terroriste expliquait la répression anti-migratoire, les contrôles aux faciès, les blocages des frontières… C’est faux et on peut le démontrer. Dès le milieu des années quatre-vingt, la France rejette 90 % des demandes d’asile des populations africaines. On peut parler d’effets cumulatifs : la décolonisation, la crise économique, les partis d’extrême droite dans les années quatre-vingt, l’intégration européenne puis, en 2001, le phénomène terroriste… Tout cela nous amène à la situation actuelle, avec la création d’un ministère de l’Identité nationale, les rafles et la fermeture des frontières. On ne peut pas réduire cette histoire à un seul de ses éléments.
Que penser de l’image du réfugié dans l’opinion publique ?
Jérôme Valluy. Chaque citoyen n’a que peu de temps pour s’intéresser à la société. L’opinion publique n’est donc pas construite sur une perception objective, elle est tributaire des leaders d’opinion : politiques, intellectuels, journalistes, technocrates, etc. Le cas marocain est intéressant pour démontrer cela. Il existe au Maroc un fond de racisme antinoir, comme il existe un fond de xénophobie dans toutes les sociétés humaines. Ceux qui en témoignent le mieux sont les Marocains descendants des esclaves noirs. Que nous disent-ils ? Que depuis quelques années on observe une résurgence de ce racisme antinoir avec des comportements nouveaux d’hostilité, d’abord policiers et administratifs, puis dans la rue. Comment expliquer cette réémergence ? À partir de 2003, avec la médiatisation des questions migratoires, les reportages à la télé et les colloques se multiplient sur la présence des migrants. Les Marocains voyant de plus en plus de Noirs à la télévision en voient de plus en plus dans la rue. Cette xénophobie, plus faible au Maroc qu’en Europe, a été construite par les dirigeants marocains, sous la pression européenne. C’est en accéléré ce qui s’est joué dans les années soixante en Europe. Je pense qu’il faudra moins d’une décennie pour qu’un parti réactionnaire exploite ce créneau électoral porteur au Maroc comme cela s’est passé en Europe. Aucune population ne résiste à l’influence des politiques publiques et au matraquage politique et médiatique. C’est ce qui s’est passé dans les années trente : des populations entières ont été incitées à croire que les juifs constituaient un problème pour la société. Cette construction de problèmes publics passe par les élites sociales, au sens le plus large : députés, universitaires, journalistes, ministres, sénateurs, responsables d’entreprises, etc. Ce n’est pas du tout un phénomène populaire, sa diffusion dans la population est seulement une conséquence.
Le gouvernement parle de la crainte d’un « appel d’air » pour justifier sa politique de fermeture des frontières : accorder davantage l’asile pourrait augmenter la demande. Qu’en pensez-vous ?
Jérôme Valluy. C’est en grande partie faux. Il peut exister une possibilité de réorientation des choix migratoires en fonction des opportunités. Mais seule une infime portion des réfugiés parcourt de longues distances. 80 % des réfugiés restent dans le premier pays de sortie, c’est-à-dire qu’ils franchissent une seule frontière pour se protéger. Une infime partie fait le choix de voyages transcontinentaux. En outre, les réfugiés n’ont aucune connaissance des politiques réelles mises en place dans les pays d’arrivée. Quand on les interroge, on s’aperçoit très vite qu’ils ne savent rien des jurisprudences des pays européens alors qu’ils sont déjà très avancés sur le chemin migratoire. La plupart des citoyens de ces pays ne savent rien non plus des variations jurisprudentielles ou administratives, donc vous imaginez bien que les gens à l’autre bout du monde les connaissent encore moins ! La théorie de l’appel d’air est réfutée par les recherches mais elle perdure comme une croyance.
La crise économique va-t-elle avoir un effet sur la politique migratoire ?
Jérôme Valluy. Bien sûr. Cet effondrement économique nous ramène à la situation post-1929, avec le sentiment non pas d’être en 1933, mais plutôt en 1930. Si on est au début de cette histoire-là, alors le pire reste à venir. Cette crise économique pourrait produire le même effet que dans les années 1970 après la crise de 1974 : alimenter la justification de la chasse aux migrants sur le mode : « Ils nous prennent notre travail » et impulser tous les emballements imaginables de xénophobie. On a quand même le premier ministère de l’Identité nationale de l’histoire de la République, il n’y a aucun antécédent, hormis les administrations de la question juive, mais qui se situent dans une configuration historique incomparable. La création de ce ministère n’est pas simplement une ligne sur l’organigramme du gouvernement, c’est le produit de plusieurs décennies d’évolution politique et administrative. La conjoncture est extrêmement alarmante. Tous les éléments actuels vont dans le même sens : celui d’une dramatisation historique des enjeux nationalistes et identitaires. Où cela nous mène-t-il ? Historiquement à des conflits armés. Je n’ai pas de boule de cristal, mais si les tendances actuelles se prolongent à l’identique, on va vers un drame de civilisation. Les derniers résultats électoraux en Europe montrent déjà le retour des nationalismes protofascistes.
N’y a-t-il rien de positif ?
Jérôme Valluy. Le tableau est sombre, mais il existe des petites lumières, comme le développement, depuis 2005, du Réseau Éducation sans frontières (RESF). C’est une poussée intéressante pour l’évolution du rapport de forces politiques, même si RESF reste limité à la solidarité de proximité et peine à produire des effets politiques plus larges. Les capacités militantes, je l’ai vécu moi-même, sont saturées par les tâches les plus urgentes. Ça ne laisse que trop peu de temps pour la production intellectuelle et idéologique, la stratégie politico-médiatique, la formation de coalitions, le lobbying, etc. Un autre point positif est l’entrée en scène de la CGT depuis 2007. Mais celle-ci s’est positionnée maladroitement. En acceptant de porter des demandes de régularisation auprès de la préfecture, la CGT se retrouve piégée dans une cogestion de l’immigration choisie. Du coup, le syndicat est aujourd’hui dans une situation comparable à celle des associations gestionnaires de CADA (Centre d’accueil de demandeurs d’asile) : l’installation des sans-papiers dans et devant la Bourse du travail ressemble aux files d’attente à Lyon devant l’association Forum réfugiés. Que faire d’autre ? La question n’est pas facile. L’expérience des associations comme France terre d’asile ou Forum réfugiés, d’abord militantes puis devenues, en dix ans, cogestionnaires de la politique publique, montre une voie qu’il ne faut pas suivre. Mais je crois aussi qu’il faut aider la CGT dans sa démarche tout à fait nouvelle dans son histoire de soutien aux sans-papiers. C’est l’une des raisons pour laquelle j’y ai adhéré il y a quelques mois. J’ai peur maintenant que la CGT ne se retire de ces luttes. Or l’état des rapports de forces est calamiteux. Et on a besoin de tout le monde. Il y a aussi des avancées positives dans le monde universitaire : ceux qui analysent les réalités sociales sombres de notre société sont mieux compris par les autres universitaires, certainement sous la pression de générations montantes de doctorants qui s’intéressent à ces sujets et sous la brutalité des réformes universitaires qui réveillent les esprits. (L’Humanité-06.10.09.)
(1) Éditions Du Croquant, 2009. 389 pages, 22 euro.
Entretien réalisé par Marie Barbier
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