Des corps sans vie dérivant au gré des vagues.2
**700 morts dans le naufrage d’un chalutier chargé de migrants au large des côtes libyennes
**Plus de 31.000 morts au 20 avril 2015
Le naufrage d’un chalutier chargé de migrants au large des côtes libyennes pourrait avoir fait jusqu’à 700 morts, a annoncé dimanche le Haut-commissariat aux Nations unies pour les réfugiés (HCR). Ce chalutier a chaviré à environ 110 km des côtes libyennes avec à son bord plus de 700 personnes, selon le récit de 28 survivants récupérés par un navire marchand, a indiqué aux télévisions italiennes, Carlotta Sami, porte-parole du HCR en Italie. Si ces chiffres étaient confirmés, il s’agirait de la « pire hécatombe jamais vue en Méditerranée », a-t-elle déclaré.
Quelque 21 cadavres ont été récupérés, selon les médias italiens. Il n’a pas été possible dans l’immédiat d’obtenir confirmation de cette information. Le chalutier a lancé dans la nuit de samedi à dimanche un appel au secours reçu par les garde-côtes italiens qui ont aussitôt demandé à un cargo portugais de se dérouter. A leur arrivée sur les lieux, à environ 120 milles (220 km) au sud de l’île italienne de Lampedusa, l’équipage a vu le chalutier chavirer, selon le HCR. C’est probablement quand les 700 migrants à bord se sont précipitées tous du même côté à l’arrivée du cargo portugais que le drame est survenu, a encore dit Mme Sami.
Une importante opération de secours a été mise en place avec le concours des marines italienne et maltaise, a indiqué à l’AFP un porte-parole de la marine maltaise. L’alerte avait été donnée vers minuit locales (22H00 GMT), selon ce porte-parole de la marine maltaise. Si ce bilan devait être confirmé, il viendrait s’ajouter aux quelque 450 morts et disparus lors de deux précédents naufrages en moins d’une semaine. Là encore, ce sont les récits de survivants qui ont permis d’établir ces bilans, alors que le flux de migrants provenant de la Libye ne cesse de grossir.
Entre 500 et parfois 1.000 personnes sont chaque jour récupérées par les garde-côtes italiens ou des navires marchands. Plusieurs organisations internationales et humanitaires ont dénoncé ces derniers jours l’incurie des autorités européennes, réclamant davantage de moyens. « Il faut une opération Mare nostrum européenne », a ainsi déclaré la porte-parole du HCR. L’opération italienne Mare nostrum de sauvetage des migrants a été remplacée par l’opération Triton, une opération de surveillance des frontières beaucoup plus modeste. (Afp)–19/04/2015 |
**Plus de 31.000 morts au 20 avril 2015
Avec la nouvelle hécatombe du 19 avril 2015, le 2e trimestre 2015 s’annonce des plus macabres : en moins de 4 mois, 1622 migrants sont déjà morts en essayant de rejoindre l’Union européenne. «Il s’agit de la plus grande catastrophe de l’histoire récente de la Méditerranée impliquant un bateau de réfugiés», déplore l’Organisation internationale Watch the Med dans une déclaration adressée à notre rédaction par Helmut Dietrich, représentant du service presse.
Cette ONG, qui a lancé le projet Alarm Phone en octobre 2014, géré par un réseau transnational d’activistes et de groupes de migrants située de part et d’autre de la Méditerranée, dénonce avec fermeté la responsabilité de l’UE dans la mort de ces 800 hommes, femmes et enfants : «Avec sa décision du 27 août 2014 de réduire les opérations de secours en mer, l’UE est responsable de ces morts en masse». Pourtant, s’indigne l’ONG, l’UE ne manque ni de moyens, ni de possibilités de secourir les réfugiés naufragés en mer méditerranée. Et, «au lieu de cela, elle laisse les personnes se noyer».
Ces dernières semaines, grâce à Alarm Phone — téléphone joignable jour et nuit les 7 jours de la semaine — dont la finalité est de porter conseil et donner l’alerte quand un bateau de migrants se trouve en difficulté, Watch the Med affirme être devenue «le témoin direct de la lutte pour la survie, de la mort sur ces embarcations, de l’angoisse des proches. Egalement témoin des efforts considérables dont ont fait preuve les garde-côtes d’Italie et de Malte, ainsi que les équipages des navires commerciaux, mais qui ont souvent été dans l’impossibilité d’empêcher les morts faute d’équipements suffisants pour mener les opérations de secours.»
Outre les politiciens, poursuit l’ONG, sont non moins responsables les forces policières et militaires qui ont établi Frontex au cours des dix dernières années, transformant la mer Méditerranée, entre la Libye et l’Italie, depuis l’avènement du «printemps arabe», en une «Zone de Haute Sécurité». Le drame interminable qui se joue à ciel ouvert doit impérativement prendre fin : pas moins de 31 500 migrants morts en Méditerranée du 1er janvier à 1993 au 20 avril 2015, comptabilise Watch The Med Alarm Phone.
D’où «la création immédiate d’une ligne directe de ferries destinés aux réfugiés à partir de Tripoli et d’autres pays d’Afrique du Nord vers l’Europe, soit des voies sûres et légales pour les réfugiés, leur permettant de rejoindre les lieux de refuge sans être obligés de risquer leur vie», qu’exige l’ONG. Et de conclure par un appel pressant à «une action directe et immédiate contre les décisions et doctrines politiques meurtrières de l’UE».
En fait d’actions immédiates annoncées lors du sommet extraordinaire du jeudi 23 avril, cette UE a pris des décisions qui viennent «conforter, renforcer et durcir encore sa politique migratoire pour des considérations purement géostratégiques, avec le pillage autorisé des ressources des pays de ces migrants afin de renforcer sa propre économie en désastre», conclut Mme Haddad, lorsque nous l’avons interrogée, saluant dans la foulée la mobilisation imminente par l’Organisation Médecins sans frontières (MSF) d’un bateau d’une capacité de 400 personnes destiné à patrouiller sur les côtes entre la Libye et l’Italie.*Naima Benouaret-El Watan-lundi 27 avril 2015
«J’ai vu des choses horribles dans les centres pour migrants»
témoigne Imed Soltani. Président de l’association La Terre pour tous
1500 migrants tunisiens ont disparu depuis la Révolution
- D’abord, comment a été créée votre association, La Terre pour tous ?
***Nous avons fondé l’association La Terre pour tous car, à la base, deux de mes neveux, Bellahcène et Slim Soltani, sont portés disparus depuis le 1er mars 2011. Ils sont partis dans le contexte de l’après-révolution. Ils ont embarqué depuis la région d’El Haouaria (extrémité du Cap Bon, au nord-est de la Tunisie, ndlr). Il y avait eu un effondrement de l’Etat, ce qui a fait que les frontières étaient ouvertes à l’époque. Il n’y avait pas de contrôle de la part de la police.
- Quels sont les objectifs de l’association ?
***L’objectif principal que nous nous étions assigné était de connaître la vérité sur les migrants disparus. Après, au fil de notre travail avec les autres associations et ONG, notamment européennes, nous avons réalisé qu’il y avait une grande injustice. Nous avons ressenti qu’il y avait des politiques qui nous ont poussé à fermer les yeux sur la réalité des disparus et des morts en mer.
A partir de là, nous militons non seulement pour faire la lumière sur les migrants disparus, mais aussi pour réfléchir à des solutions radicales en vue de stopper cette hémorragie de disparus et de naufragés, et le drame de nos jeunes qui prennent les barques de la mort. Les causes profondes de cette situation ont sûrement à voir avec la marginalisation des citoyens de la part des gouvernements qui se sont succédé en Tunisie ainsi que dans l’ensemble des pays arabes.
Il y a une marginalisation de régions entières où il n’y a pas de culture, pas de sensibilisation, pas de loisirs. Ajoutez à cela la pauvreté, la misère, le chômage qui reste très élevé. Et même la qualité de l’enseignement prodigué ne suffit pas pour former une jeunesse consciente qui sache gérer sa vie. Ceci sans oublier la politique migratoire de l’Europe et le système de fermeture des frontières entre nos pays.
- Le système Frontex ?
***Oui, le système Frontex. J’ai envie de dire à l’Occident : nous les Tunisiens, nous les Algériens, nous les Africains de manière générale, nous avons le droit de circuler tout autant que vous. Comme vous, vous avez le droit de venir chez nous, nous avons le droit de venir chez vous. La liberté de circuler est un droit garanti pour tous.
Mais ces droits dont se gargarise l’Occident s’avèrent être un grand mensonge. Où sont ces droits ? De quelle démocratie parle-t-on ? Il ne se passe pas un jour sans que des gens meurent en Méditerranée et on n’a pas vu le monde bouger un cil pour dire «ça suffit !» Il faut changer ces politiques-là.
Au lieu de cela, on les voit financer les Etats pour se taire et payer Frontex en milliards au lieu d’octroyer cet argent aux pays marginalisés pour développer leur économie. Nous, on est contre ce système et on va combattre ce système. Nous allons dévoiler la vérité qu’on ne pouvait pas dire sous Ben Ali parce que vous aidiez Ben Ali et les autres dictateurs contre nous. Vous les corrompiez grassement afin que nous, les zwawla, les parias, nous crevions en mer !
- Avez-vous une estimation du nombre de harraga portés disparus ?
***En tout, 1500 migrants tunisiens ont disparu depuis la Révolution. Mais pour l’heure, il y a 520 citoyens tunisiens qui ont été officiellement recensés. Et on vient de porter ce chiffre à la connaissance du gouvernement italien.
- Qu’en est-il des harraga qui seraient détenus en Italie ?
Nous avons deux axes de travail dans ce dossier. Le premier concerne la situation de nos enfants qui sont entrés sur le sol italien, et à propos desquels nous n’avons aucune information ou idée précise sur l’endroit où ils se trouvent. Donc on veut connaître la vérité sur ce point. Le deuxième axe porte sur les défaillances constatées dans les opérations de sauvetage de la part de Frontex.
L’agence Frontex prend des milliers de milliards et tue les gens en mer en les privant de l’assistance pour laquelle elle est payée. La responsabilité de Frontex est pleinement engagée. D’ailleurs, j’ai porté plainte en Italie et devant l’Union européenne pour non-assistance aux migrants tunisiens. Le plus grave est que le filon migratoire est devenu une source de business en Italie. Vous voyez des ONG qui perçoivent 120 euros par personne, mais en réalité, ils ne dépensent même pas 5 euros de ce budget.
Sans parler des humiliations, des bastonnades, des insultes et autres mauvais traitements. Et nous voulons mettre fin à ce système-là. J’ai été dans les centres de rétention en Italie et j’y ai vu des choses horribles. Je n’aurais jamais pensé voir ça dans des pays européens. Il y a de terribles dépassements des droits de l’homme. Les migrants subissent toutes sortes de maltraitances. Les gens vivent sous médicaments.
Ils dorment avec des médicaments, se lèvent avec des médicaments, marchent avec des médicaments. Ils ont accueilli des gens en bonne santé et ils en ont fait des drogués pour pouvoir les «gérer». Et ça, c’est une violation criante des droits humains. Vous imaginez si on infligeait le même traitement, ici en Tunisie, à un ressortissant européen ? Je n’ose même pas imaginer ce qui se passerait. Ils continuent à porter sur un nous un regard plein de mépris. Pour eux, on est le «tiers-monde», donc tout est permis avec nous.
- Espérez-vous du changement dans le traitement de ce dossier au niveau interne après l’élection de Béji Caïd Essebsi et la nomination d’un nouveau gouvernement ?
***En quatre ans, nous avons organisé des manifestations devant les ambassades européennes à Tunis. Nous avons mené des actions de protestation devant le ministère tunisien des Affaires étrangères, devant le secrétariat d’Etat aux migrations. Nous avons interpellé tous ceux qui sont concernés par le dossier des migrants disparus.
Nous avons fait des grèves de la faim. Nous avons manifesté aux côtés d’ONG européennes. J’ai même participé à la Marche de la liberté qui s’est étalée sur 500 km, de Strasbourg à Bruxelles, à pied, pour dénoncer le traitement inhumain réservé aux ressortissants africains en Europe. L’ensemble de ces actions nous ont permis d’arracher un engagement du président Béji Caïd Essebsi pour la constitution d’une commission d’enquête.
- La «question harraga» touche aussi bien la Tunisie que l’Algérie, la Libye, le Maroc…Envisagez-vous une coopération avec les autres sociétés civiles de la région qui militent pour la même cause ?
***Nous sommes justement en train de mettre en place une coordination africaine. Nous avons des camarades du Maroc, d’Algérie et même du Mexique avec lesquels nous sommes en contact. On veut agir la main dans la main avec tous les Africains et les autres peuples pour nous élever contre ce système. Contre cette politique. Et nous les combattrons avec des idées, pas avec des armes ! Je voudrais dire pour terminer : je suis Tunisien, je suis Algérien, je suis Libyen, je suis Marocain, je suis Mauritanien, je suis Arabe, je suis humain et je veux la paix pour toute l’humanité !*Mustapha Benfodil-El Watan-dimanche 26 avril 2015
**ville de Zouara en Libye :
Scénario complet du lancement d’une traversée clandestine
La multiplication des cas de navires en perdition dans le détroit de Sicile et en partance de Libye pose des interrogations sur l’état des lieux facilitant de telles catastrophes.
Il suffit de faire le tour de la ville de Zouara pour se convaincre que le nombre d’Africains circulant dans la ville dépasse de loin la main-d’œuvre dont elle a besoin, surtout en temps de guerre, le commerce et le bâtiment n’étant pas à leur apogée. Mais ce constat s’absorbe rapidement en s’adressant aux concernés. «Je suis ici parce que c’est l’endroit indiqué pour traverser la Méditerranée vers l’Italie», explique Moussa, un Malien de 23 ans originaire de Gao, au nord du Mali.
Les mêmes propos sont repris par Jakob, un Camerounais de 28 ans, qui a passé dix-huit mois pour arriver à Zouara. Il a même été arrêté pendant trois mois au Niger, avant de prendre la fuite en corrompant un gardien. Il lui a fallu travailler six mois à Lomé pour se faire un peu d’argent afin de venir en Libye. Moussa et Jakob ont accepté de se livrer, par téléphone, à El Watan.
Filières à gogo
Le Malien Moussa dit avoir beaucoup réfléchi, avant d’opter pour la solution libyenne : «On m’a également proposé la filière mauritanienne qui transite par Nouadhibou, sur la frontière entre la Mauritanie et le Sahara occidental, pour aller ensuite aux îles Canaries, donc en territoire espagnol.» Des amis lui ont conseillé d’aller en Libye. «Ils sont à Nouadhibou depuis bientôt deux ans sans pouvoir embarquer pour l’Espagne», dit Moussa avec regret. Lui pense pouvoir embarquer bientôt vers l’Italie. Il lui suffit de réunir 2000 dinars libyens (1000 euros), exigés par les passeurs pour la traversée.
Jakob, le Camerounais, explique comment se passe l’organisation de la traversée : «Comme la ville de Zouara dispose d’un port de pêche où il y a de vieux chalutiers destinés à la casse, les passeurs contactent les propriétaires de ces embarcations hors service. Certains squattent carrément la coque. Ensuite, le chalutier est emmené à un atelier faisant office de chantier naval où on lui installe un moteur d’occasion en mesure d’assurer sa dernière traversée.
C’est ce qu’ils prétendent du moins. L’essentiel, c’est qu’il quitte les eaux libyennes et s’approche du littoral italien.» A notre question sur la nationalité des passeurs et de leur réseau, Jakob répond : «Les mécanos et les marins sont Tunisiens ou Egyptiens, alors que les passeurs sont plutôt Libyens.» Pour lui, la situation de guerre en Libye fait que «la communauté internationale tend la main à cette communauté africaine qui risque même d’être tuée par Daech».
Absence d’Etat
A travers les propos des Africains de Zouara et d’autres sources en Libye, il est clair qu’il n’y a pas d’Etat ni de patrouilles marines. «Les quelques vedettes sillonnant la mer ne s’intéressent nullement aux embarcations de migrants mais aux navires transportant des armes ou du pétrole», souligne Mansour Younès, ancien membre du Conseil national de transition. «Seul l’argent intéresse les milices», insiste-t-il.
En répliquant que l’émigration clandestine rapporte gros, elle aussi, l’universitaire minimise le rapport financier en expliquant l’existence de plusieurs intervenants dans ce circuit. «Il y a le navire à acheter et réparer. Il y a les intermédiaires entre les candidats à l’immigration et les passeurs. Il y a d’autres sommes à payer aux mécanos, patrouilleurs en mer, marins, etc. Il y a de l’argent à gagner. Mais ce ne sont pas les grandes fortunes rapportées par les armes», indique Mansour Younès, qui ne voit pas de solution autre que le retour de l’Etat.
Il est «invraisemblable pour le moment» que «La communauté internationale mette des patrouilles pour contrôler le départ de ces navires à partir des ports libyens, c’est trop compliqué, vu les intérêts divergents de la communauté internationale sur la question libyenne». Plusieurs centaines de victimes ont été enregistrées la semaine dernière au détroit de Sicile en Méditerranée. Mais tant qu’il n’y a pas de solution à la crise libyenne, les navires partant de Libye continuent à traverser et chavirer avec leurs passagers clandestins, des Subsahariens pour la plupart. *Sellami Mourad–El Watan-dimanche 26 avril 2015
**Dans les eaux troubles d’un marché florissant
Triplement des moyens de l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l’Union européenne (Frontex) dans le cadre de l’opération Triton, et demande du feu vert de l’ONU qui devrait ouvrir la voie à des actions militaires contre les réseaux de trafiquants de migrants en Libye, telle était la réponse de l’Europe à la nouvelle hécatombe migratoire d’il y a une semaine, ayant eu pour théâtre les côtes libyennes.
Ainsi, le service Centralized records of available technical equipment (CRATE), chargé de gérer les équipements techniques mis à la disposition de Frontex par ses «associés» européens, aura du pain sur la planche : Les quelque 25 hélicoptères, 21 avions et 113 bateaux, sans compter plus de 475 unités d’équipement (radars, sondes, senseurs, caméras…) dont elle dispose devraient passer au triple. Partant, la gestion à l’«orwellienne» de l’immigration par la plus nantie des agences de l’Europe est appelée à gagner en dimension au regard des pouvoirs de plus en plus étendus qu’elle se voit octroyer par les instances européennes.
Mieux, fonctionnant sur le principe du prêt, il est prévu que l’agence sera dotée à l’avenir son propre équipement pour ne plus dépendre des Etats membres. A moyen terme, est également prévu pour, soi-disant «enrayer les hécatombes dans la méditerranée», de doter en moyens financiers plus conséquents le service «Recherche et Développement» du redoutable «Trust» Frontex. En effet, le budget de 1,6 million d’euros déjà débloqué devrait être revu à la hausse, pour les besoins de la mise au point de nouvelles technologies pour rendre le contrôle et la surveillance plus effectifs.
Dans ce domaine, les Etats de l’UE font preuve de magnanimité, faisant partager leurs expériences. Jusqu’alors, les polices aux frontières nationales faisaient usage de sondes de détection de CO2 et de battements cardiaques, de caméras thermiques et infrarouges, ainsi que de radars nouvelle génération pour la détection d’embarcations engagées sur la Méditerranée, tels que le Système intégré de vigilance extérieure (SIVE). Ce radar, déployé par la police espagnole dans le détroit de Gibraltar, permet de repérer à plusieurs dizaines de kilomètres de distance toute masse en mouvement sur la surface de la mer.
Un renfort technologique que l’UE, qui affirme ne plus pouvoir «tolérer de voir mourir en masse, à ses portes et dans des conditions épouvantables, des gens fuyant la misère ou les guerres», considère comme acte de générosité envers ses partenaires africains dont sont originaires les migrants. En témoigne cette déclaration : «Si l’Union européenne aide les personnes qui se noient en mer, elle n’a pas de mandat pour le faire. Nous mettons à disposition nos moyens, mais le droit international ne donne aucune compétence à l’Union pour le faire.
Par conséquent, l’agence Frontex ne peut pas avoir un mandat de recherche en mer», s’était, en effet, empressé de justifier, au lendemain de la tragédie qui a coûté la vie à pas moins de 800 hommes, femmes et enfants, Fabrice Leggeri, le directeur exécutif de son agence mirador Frontex. Si d’aucuns ont jugé la réponse de Bruxelles comme étant «loin du compte», les propos du patron de Frontex ont, quant à eux, suscité une vague d’indignation auprès de nombre d’organisations, réseaux et associations de défense des droits de l’homme, des migrants, demandeurs d’asile et des réfugiés dans le monde.
A mesure que les naufrages en Méditerranée se multiplient et que les budgets de Frontex s’accroissent, les deux «coalisés» se défendent en brandissant le nom du véritable coupable derrière l’«extermination» de cet ennemi qu’elles se sont inventé, le migrant. Et, pour bien «surveiller» ses frontières de l’«invasion» migratoire en provenance de son voisin du Sud où elle veille, en revanche, sur ses intérêts économiques et géostratégiques, l’Europe ne lésine pas sur les moyens malgré la crise : le budget de Frontex a été revu à la hausse : plus de 114 millions d’euros pour 2015. Maintenant que la question des moyens, matériels et financiers, est réglée, il ne reste à l’Europe que de trouver comment s’arranger avec le principal pourvoyeur de migrants : la Libye.
Et là, c’est la situation pré- et post-El Gueddafi qui se projette au-devant de la scène : le récent drame au large de la Libye a ravivé des regrets parmi plus d’un politique européen. D’autant que, faut-il le rappeler, bien qu’elle soit moins meurtrière (400 morts) que celle survenue un an et demi après (800 morts), la tragédie de Lampedusa d’octobre 2013 avait fait avouer à Philippe Marini, ancien sénateur français (UMP) : «L’afflux des réfugiés africains à Lampedusa et bientôt chez nous me fait regretter la disparition du régime d’El Gueddafi en Libye !».
Car, abonde dans ce sens Mounira Haddad, présidente de l’Association Haddad et membre de réseau africain Cimade, la situation post-El Gueddafi est encore pire pour les migrants vivant ou transitant par la Libye : «Les migrants sont désormais soumis à l’arbitraire de milices armées, emprisonnés, subissent des menaces, le racisme».
Dénonçant l’hypocrisie révoltante de l’Europe qui a fait de la mer méditerranée un cimetière glacial où viennent s’échouer des milliers de rêves et d’espoirs pour une vie meilleure de ces naufragés rejetés par les flots, Mme Haddad tient à rappeler «quelques années après le traité d’amitié, de partenariat et de collaboration scellé par l’accord italo-libyen du 30 août 2008 quand l’Italie, soit l’Europe, avait sous-traité la lutte contre l’immigration pour plus de 5 milliards de dollars, le CNT libyen fut sollicité pour signer de nouveaux accords, dont celui de 2012 incluant la formation des policiers libyens, le renforcement des camps d’enfermement, l’engagement par l’Italie de fournir des moyens techniques à la Libye pour renforcer les contrôles.
Et ce, en plus d’autres accords entre l’Europe et la Libye conclus sous le nom d’Euromed-migration III». Et, combattre activement les passeurs à la source, c’est-à-dire en Libye, ne peut être possible sans la conclusion de nouveaux accords dont la nature et la contrepartie ne seront plus les mêmes vu que la donne politique n’est plus ce qu’elle était du temps d’El Gueddafi ou de l’ère du CNT, soutient Mme Haddad. Car «Bruxelles a toujours montré que rien ne bouge s’il n’y a pas d’enjeux économiques».
C’est dire en fin de compte qu’en baptisant les dernières opérations d’intervention de Frontex en Méditerranée, Poséidon, Mare Nostrum puis Triton, l’UE cherchait vainement à «sauver des vies» et à stopper les afflux migratoires en Méditerranée. Vainement, car malgré les efforts de «Triton», fils de «Poseidon», dieu des mers et des océans en furie, rares, très rares, furent les vaisseaux échoués qui ont pu être sauvés. Mieux, «Poseidon» a emporté dans son palais d’or, au fond de l’océan, des milliers de personnes.
Et l’instauration d’une thalassocratie italienne sur la mer «Mare Nostrum (Notre mer), la Méditerranée, dont l’idée remonte, comme par hasard, à avril 1926, lorsque Mussolini l’eut avancée dans un discours à Tripoli, s’est matérialisée en avril 2015. Mieux, cette thalassocratie, ce sont des organisations criminelles de trafic de migrants basées en Libye qui l’ont érigée en Méditerranée. Ironie du sort !*Naima Benouaret–El Watan-lundi 27 avril 2015
**L’ampleur du racket de la mort
Quand on veut, on peut : à peine 24 heures après la mort des 800 migrants au large des côtes libyennes, les autorités italiennes ont réussi à mettre hors d’état de nuire plus d’une vingtaine de personnes. Ces dernières sont suspectées d’appartenir à un réseau international de passeurs qui serait derrière l’organisation de la macabre traversée. Affaiblir ces réseaux et arriver à bout de ce qui est devenu le business de la mort, l’UE en fait aujourd’hui son cheval de bataille.
D’autant que, pronostique le patron de l’Organisation maritime internationale (OMI), une institution de l’ONU, le nombre de candidats aux franchissements illégaux des frontières maritimes européennes pourrait dépasser le seuil des 500 000 d’ici à fin 2015 contre les 170 000 recensés une année auparavant. Et, à défaut d’une solution durable, risquent d’y être englouties plus du triple des 3000, le «score» de 2014. A raison de 1600 à 3200 euros la place «debout ou assis», c’est selon, le calcul du chiffre d’affaires engrangé par les trafiquants peut aisément être fait.
Et si le mode opératoire et la route migratoire demeurent inchangés, les réseaux criminels qui se sucrent et s’enrichissent allègrement sur cette misère, tel un parasite proliférant sur l’ambition collective de milliers d’âmes emplies d’espoir d’une vie meilleure ou d’une protection à l’étranger, des nouveautés ont émergé en termes de logistique depuis l’homicide de masse, en septembre 2014, provoqué par les passeurs (500 Syriens, Palestiniens, Egyptiens et Soudanais partis d’Egypte ayant péri).
Pour tromper la vigilance des garde-côtes italiens et transporter davantage de migrants, les organisateurs/filières, de en plus difficilement atteignables car se trouvant souvent dans un autre pays ou dans leur pays d’origine, ont opté pour les vieux cargos qu’ils achètent via internet, constate Frontexit, campagne interassociative et internationale œuvrant pour le respect des droits humains des migrants aux frontières extérieures de l’Union européenne, portée par 21 associations, des chercheurs et des individus issus de la société civile du nord et du sud de la Méditerranée.
Le trafic de migrants qui rapporte environ 6,75 milliards de dollars/an et la traite d’êtres humains dont les profits annuels sont estimés à 32 milliards de dollars s’en retrouvent, ainsi, combinés. «Le prix du passage utilisé par des organisations criminelles et la contrainte d’une personne à entrer dans un rapport de dépendance et d’exploitation en sont les signes précurseurs», nous expliquait dans une précédente déclaration à El Watan Economie, Michael Glauser, haut responsable à l’Office fédéral des migrations ODM (Suisse).
C’est justement sur ce sujet et tant d’autres que devraient échanger des officiels et universitaires, représentants de la société civile et ONG, issus du monde entier lors de la 2e réunion du Global forum on migration & development (GFMD) qui se tiendra après-demain, mercredi 29 avril, à Genève. L’accent sera mis sur les thèmes suivants : «Communiquer efficacement sur les migrants et la migration» et «Identifier des indicateurs pour mesurer l’impact de la communication sur les attitudes du public envers les migrants et les migrations». «Mon intervention sera concentrée sur l’efficacité de la communication sur les migrations (média, ONG, gouvernements, organisations internationales.
J’aimerais profiter de cet événement qui arrive durant une période délicate pour pointer du doigt certains dysfonctionnements qui nous amènent à la situation que nous connaissons», explique Charles Authman, chef de projet à l’Institut Panos Paris qui active pour le pluralisme médiatique et le libre accès à l’information dans le domaine migrants-migrations. Ce sont surtout les idées fausses que l’on se fait des migrants, ceux en provenance d’Afrique en particulier, qui est derrière l’édification d’une Europe «Forteresse» qui, à son tour, est responsable de cette série d’hécatombes en Méditerranée.*Naima Benouaret–El Watan-lundi 27 avril 2015
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