Dans le Far West chinois
*À Pékin, capitale du grand Khan
SUR LES TRACES DE MARCO POLO (6) – Apprenant que les Polo cheminent dans son empire, Kubilay Khan leur dépêche une escorte armée qui les conduit jusqu’à sa nouvelle capitale, Pékin.
La Cité interdite.La porte du génie militaire (au nord), vue du parc Jingshan (aussi appelé la « colline du charbon »). Dans cet immense palais, achevé en 1420, 24 empereurs gouvernèrent la Chine pendant 500 ans.
Au cœur même de Pékin, la Cité interdite reste le monument le plus visité par les Chinois, qui le surnomment affectueusement Gugong, soit « le vieux palais ».
Chaque matin, les parcs et jardins sont pris d’assaut par les retraités pékinois qui viennent y entretenir leur forme, tout en jacassant et plaisantant. Au programme: assouplissement, gymnastique ou qi gong.
Dans le quartier tartare, la rue piétonne Jan Dajie s’anime dès le soir tombé. Les habitants de Pékin et les touristes étrangers aiment s’y promener et les restaurants ne désemplissent pas.
Cette portion de la Grande Muraille, à Badaling, date du XVIe siècle et fut restaurer dans les années 1950. D’un point de vue strictement militaire, elle ne servit jamais à rien. Mais son efficacité touristique est prouvée.
Tour de la Cloche, à Pékin. À l’époque de Kubilay Khan, c’était le cœur de la ville. Tous les soirs, une énorme cloche sonnait pour enjoindre la plèbe de quitter la capitale.
Dans la rue des antiquaires, la boutique Yang Zi Hua est spécialisée dans la calligraphie: pinceaux de toutes tailles et de tout poil (du renard au chameau) et cahiers d’apprentissage (avec idéogrammes pré-imprimés) à l’usage des Occidentaux.
Mao est mort, mais l’organisation communiste lui a survécu. Ici, dans la rue Jan Dajie, le gardien du comité de quartier fait respecter la loi et l’ordre.
Mariage en costume traditionnel mandchou (époque Qing), entre les lacs Houbai et Qianhai. Les mariés, les témoins et leurs invités se rendent aux noces en cyclopousse.
**Tout un symbole. À 20 kilomètres au sud-ouest de Pékin, c’est un pont qui porte le nom de Marco Polo. Pour un homme qui fut et fit le lien entre deux mondes, on ne pouvait trouver hommage plus idoine. Cet ouvrage en granit, construit entre 1189 et 1192, enjambe la rivière Yongding et sépare, à l’époque de Kubilay Khan, la Chine du Nord (Cathay) de la Chine du Sud (Mangi). Bien qu’il vienne d’une cité qui ne manque pas de ponts, le Vénitien est fortement impressionné par ses dimensions (266 mètres de long et 9 de large): « Il est bien lon. CCC. pas et large bien (. VIII.), car bien pueent aller dessus. X. hommes a cheval l’un prez de l’autre. » Et fasciné par les 485 statues de lions « moult bel et moult grans et bien entailliez » qui ornent toujours les rambardes. À une extrémité, un bas-relief, de récente facture, évoque une caravane en train de le franchir, avec chameaux et mulets.
Mais sa réputation auprès des Chinois (il est classé parmi les seize sites historiques par la municipalité) ne tient pas à ce jugement admiratif du Devisement. Pour eux, ainsi qu’on l’enseigne dans les écoles, c’est l’endroit où débutèrent l’occupation japonaise et la guerre de libération, à la suite d’une fusillade entre les Chinois et les Nippons, le 7 juillet 1937. Episode baptisé « incident du pont Marco-Polo ». Fermé à la circulation, il sert désormais de promenade aux familles et les enfants s’amusent à compter ses lions qui, selon une légende locale, s’animent la nuit, apparaissent et disparaissent, tant et si bien que leur nombre ne serait jamais le même.
Logiquement, le Pékin actuel, avec ses 16.500 km2 (la moitié de la Belgique) et ses 17 millions d’habitants, a englouti et effacé, au cours des siècles, la ville dont l’empereur mongol Kubilay, fondateur de la dynastie Yuan (1), fit sa capitale sous le nom de Khanbalik (la ville du Khan); elle ne sera baptisée Pékin qu’au XVe siècle. Il en est pourtant le concepteur, le constructeur. Des ruines laissées par son grand-père Gengis Khan (2), il décide en 1264 de faire un écrin, dont son palais sera le joyau. Lorsque Marco Polo, en 1274, après avoir parcouru 12.000 kilomètres sur les pistes d’Asie centrale, rejoint enfin le «seigneur des seigneurs», celui-ci partage son temps entre Shangdu l’été (où il chasse avec sa suite, ses guépards et ses faucons) et Khanbalik l’hiver (où il dirige les affaires de son immense royaume). Tout juste achevée, l’agglomération, entourée d’une muraille fortifiée de 28 kilomètres, est un chef-d’œuvre d’urbanisme, dont la géométrie quadrangulaire et les avenues rectilignes, bâties selon deux axes (nord-sud, est-ouest), frappent l’Européen habitué aux venelles étroites et sinueuses de la Sérénissime.
Bref, du Haussmann avant l’heure, qui obéit d’ailleurs aux mêmes motivations: le souverain mongol, qui vient à peine de soumettre les Han, tient à réprimer toute jacquerie ou rébellion chez ses nouveaux sujets. Pour les mêmes raisons, l’accès à la cité impériale et administrative est strictement réglementé. Son point névralgique est la tour de la Cloche, dans ce qu’on appelle encore le Quartier tartare – le plus animé et le plus agréable puisqu’il englobe la Cité interdite, les hutongs préservés (ruelles anciennes), les somptueux parcs Beihai et Jingshan, ainsi que les lacs de Pékin. Marco Polo nous dit que, chaque soir, cette cloche sonnait trois fois (on pouvait l’entendre à 50 kilomètres à la ronde), signal enjoignant la plèbe de rejoindre les faubourgs, au-delà des remparts. Celle qu’on peut admirer et visiter aujourd’hui, au même emplacement, est postérieure à Marco Polo (elle date de 1420), mais elle a fière allure. En face, la tour du Tambour remonte, elle, à l’époque Yuan (quoique refaite, suite à un incendie). Elle rythmait pareillement la vie des citadins grâce à 25 tambours indiquant les heures.
Sous le règne de Kubilay, outre les commerçants, les étrangers, les manants et les vilains, les prostituées sont tenues d’exercer leur coupable mais utile activité hors les murs:
Le narrateur italien ajoute que les filles publiques sont si nombreuses (plus de 20.000, notamment destinées aux voyageurs et visiteurs) que « ce est merveilles ». Curieusement, sept siècles plus tard, Pékin conserve ce plan carré – maintenu et étendu, il est vrai, par les successeurs des empereurs mongols, sous les dynasties Ming et Qing – et ces artères tracées au cordeau, qui s’articulent autour d’un noyau de pouvoir (en l’occurrence, la place Tian’anmen et la Cité interdite), à ce détail près que les périphériques (il y en a six et bientôt sept!) ont remplacé les murailles, tout en conservant un rôle de barrière sociale, d’instrument de relégation économique. Quant au va-et-vient des banlieusards motorisés aux heures de pointe, il n’est pas sans rappeler les transhumances quotidiennes des anciens gueux, priés d’évacuer le fief de Kubilay au crépuscule. Sauf que les courtisanes peuvent maintenant faire commerce de leurs charmes au cœur de la ville: la plupart des hôtels chinois disposent à cet effet d’un «salon de massage», où les masseuses outrepassent allègrement leurs attributions thérapeutiques…
Il serait vain de chercher dans le Pékin moderne une trace quelconque du palais de Kubilay. Il a été détruit, comme de coutume aux interrègnes, par les Ming, qui bâtirent ensuite la Cité interdite, un peu plus à l’est. Via le Devisement, on sait cependant qu’il était décoré à la chinoise, sur un seul niveau: « Les murs dedenz les sales sont toutes couvertes d’or et les chambres aussi et d’argent. » Les ornementations, bannières, peintures ou sculptures figuraient des dragons, des oiseaux et autres créatures mythologiques, licornes ou phénix. Tout autour, l’empereur mongol avait personnellement dessiné un jardin dans le parc du lac Beihai. Ile artificielle, pagodes, ruisseaux, bassins, temples et kiosques: ce parc (qui n’a été ouvert au public qu’en 1925) demeure l’un des plus beaux et l’un des plus vastes de la capitale. Chaque matin, à l’aube, il est pris d’assaut par des bataillons de retraités. Ces ancêtres (bon pied, bon œil!) se livrent à toutes sortes d’exercices pittoresques afin d’entretenir leur forme physique et morale. Certains hurlent à pleins poumons afin d’expulser l’air vicié de la nuit, tandis que d’autres déclament des poèmes de Lao-Tseu, à côté de ceux qui s’exercent au sabre, s’entraînent à la valse, s’adonnent autai-chi ou auqi gong (art martial et gymnastique taoïstes) ou pratiquent l’acupression!
À l’angle sud de ce même parc, au sein de la Cité ronde, l’unique vestige de Kubilay témoigne d’activités tout aussi ludiques mais moins sportives, chez les Yuan. Il s’agit d’une jarre ou vasque de 1265, tout en jade ouvragé, pesant plus de trois tonnes et pouvant contenir mille litres de ce que messire Polo appelle « de bons buvrages d’espices moult fins et de grant vaillance » (3). Particularité de ce type de breuvage: « Il enyvre plus tost ceux qui en boivent que ne fait nul autre vin, pour ce que il est moult chaut. » Notre auteur, visiblement conquis par les bacchanales organisées à la cour du Khan, réunissant selon lui jusqu’à 50.000 convives (4), y consacre deux chapitres de son livre. Les détracteurs de Marco Polo (5), tous ceux qui l’affublèrent, lui et son récit, du sobriquet de Il Milione (sous-entendu le million de mensonges), cœurent prouver sa mythomanie en lui reprochant de n’avoir point mentionné l’usage du thé et des baguettes en Chine. Ces chapitres vineux démontrent au contraire que notre héros évoluait bien dans l’entourage de l’empereur, et qu’il préférait, comme les seigneurs mongols qu’il côtoyait, des boissons plus puissantes et plus viriles qu’une infusion, fût-elle de thé. De même, Kubilay et ses pairs, restés mongols dans l’âme même s’ils étaient en voie de sinisation progressive, n’avaient pas encore adopté les baguettes et mangeaient avec les mains, comme dans la steppe. Mauvais procès, donc.
Idem pour la Grande Muraille. Si Marco Polo ne l’a pas recensée comme une «merveille», c’est qu’elle ne ressemblait pas du tout à celle qu’on voit dans les environs de Pékin, à Badaling ou à Mutianyu, image médiatisée à l’extrême. Dans sa configuration contemporaine, cette spectaculaire (mais inutile, car elle n’empêcha jamais aucune invasion d’envergure) fortification est due aux empereurs Ming (1368-1644). Au XIIIe siècle, comme nous l’avons vu lors du précédent épisode, ce n’était qu’un réseau discontinu de murets en terre tassée, jalonné ici et là de tours de guet. En outre, Kubilay n’élevait pas de murailles, ils les abattait. Comme son grand-père Gengis. Bon sang ne saurait mentir…(Le Figaro.Mag-13.08.2010.)
(1) Petit-fils de Gengis Khan, Kubilay était khan de l’Est, soit de la Chine du Nord. Il s’empara de la Chine du Sud (royaume des Song) en 1279 et se proclama empereur de la dynastie Yuan, laquelle régna sur la Chine unifiée jusqu’en 1368, à l’avènement des Ming.
(2) Gengis Khan conquit la Chine du Nord et Dadu (nom que les Chinois donnaient à Pékin au Moyen Age) en 1215. La ville fut alors rasée et brûlée.
(3) Alcools fermentés à base de riz, millet, sorgho agrémentés d’épices comme le gingembre ou la cannelle, et uniformément désignés comme «vins de riz».
(4) Les chiffres de Marco Polo sont souvent imprécis et exagérés. C’est un effet de style visant à donner une idée du gigantisme de la Chine. Cet éclaircissement – comme bien d’autres – figure dans l’édition critique du Devisement irigée par Philippe Ménard et publiée chez Droz (00.41.22.346.66.66; www.droz.org).
(5) C’est le cas de Frances Wood, responsable du département chinois de la British Library, auteur deDid Marco Polo Go to China? (Marco Polo est-il allé en Chine?) en 1995.
**CARNET DE VOYAGE
• Formalités Le service consulaire de l’ambassade de la République populaire de Chine (www.amb-chine.fr) délivre un visa tourisme valable 3 mois à partir de l’entrée dans le pays. Compter un délai de dix jours pour l’obtenir.• Organiser le séjour
La Maison de la Chine, 76, rue Bonaparte, 75006, Paris (O1.40.51.95.00; www.maisondelachine.fr ) propose une escapade «Pékin tendance, Pékin glamour», au départ de Paris, avec Air France en classe Prémium. Départ quotidien pour un séjour incluant une nuit du samedi au dimanche. Offre valable jusqu’au 31 octobre 2010. A partir de 2 470€ TTC pour un circuit de 7 jours (base de deux personnes). Tarif incluant les transferts à l’aéroport et les nuits en chambre double avec petit déjeuner à The Opposite House Boutique Hotel.
• Comment y aller ?
Qatar Airways ; www.qatarairways.com ) propose un Paris-Pékin via Doha à partir de 354€ (hors taxes aériennes).
L’hôtel Courtyard 7 est une maison à cour carrée, ancienne et typique.
• Se loger
Courtyard 7 Hotel, 7, Qiangulouyuan, Nan Luo Gu Xiang, Pékin ; www.courtyard7.com ) Situé dans les hutongs (le quartier historique), au cœur de Pékin, non loin de la Cité interdite. Maison à cour carrée, typique de l’habitat traditionnel. Hôtel entièrement restauré et décoré avec goût. Service remarquable et internet gratuit. Entre 120 € et 200 €.
• Où se restaurer?
Fangshan Restaurant, Beihai Park, Pékin Sur l’île de Jade, dans le parc Beihai. Ce restaurant 5 étoiles a été fondé en 1925 par l’un des anciens chefs des cuisines impériales. Le personnel sert en costume mandchou dans un cadre d’époque. Menus calqués sur ceux de la cour des Qing (tortue braisée, canard laqué, bosse de chameau, poisson-mandarin, etc.). Formules entre 20 et 180€.
Les 99 yourtes Xibei, 9, Yong Thai Zuhang North Road, Ma Fang Village, Pékin ; baimenghe0475@126.com) Les tables sont installées dans des yourtes – tentes mongoles, kirghizes ou kazakhes -, de tailles différentes, selon le nombre des convives. Serveurs et serveuses arborent la tenue de l’ethnie concernée. Possibilité d’agrémenter les agapes avec un orchestre et des danseurs. A partir de 170€ la yourte, qui peut accueillir jusqu’à dix personnes.
Family Fu’s Tea House et Noble Restaurant lac Houhai, Pékin ; www.familyfusteahouse.com ). La maison de thé de Mme Fu est un pavillon octogonal aux mobiliers Ming et Qing. Grand choix de thés dans une atmosphère apaisante. Possibilité de déjeuner ou de dîner au Noble Restaurant (mêmes propriétaires et à côté), l’un des restaurants les plus en vue de la capitale. Prévoir un minimum de 50 € par personne
• Que rapporter ?
Le marché aux puces de Panjiayuan est le plus grand du pays. Y aller le week-end, avant 17 heures. A condition de savoir distinguer le vrai du faux, on peut trouver de belles pièces ou, à défaut, du kitschissime inégalé…Le magasin Yang Zi Hua, 103, Liulichang East Street (la rue des antiquaires), Pékin, est spécialisé dans le matériel de calligraphie: pinceaux de toutes tailles et de tout poil (martre, putois, renard, chameau), papier de riz, encre et encrier de Chine.
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*Dans le Far West chinois
Les dunes de Mingsha Shan (les sables chantants), à côté de Dunhuang. On les nomme ainsi car le mouvement des sables produit un son qui ressemble à des voix humaines.
Chaîne du Pamir, désert du Takla-Makan : pour Marco Polo, l’entrée en Chine via le Xinjiang (nouvelle frontière) est celle de tous les obstacles. Et de toutes les surprises, comme la découverte du bouddhisme…
Sur son flanc ouest, la Chine est bien gardée. Non par des murailles, mais par des montagnes. Autrement plus dissuasives. La chaîne du Pamir et les sentinelles minérales des Kunlun: le Kongour (7719 mètres) et le Muztagata (7546 mètres). « Des montaignes (…) qui montent tant que on dit que c’est li plus haus lieus du monde », raconte Marco Polo. Venant d’Afghanistan, comment les a-t-il franchies? Avec des mulets ? Des chameaux? Par quel col ou quelle passe? L’auteur est avare de détails sur les moyens de transport comme sur l’itinéraire emprunté. En revanche, on sait que sa caravane a débouché sur le « meilleur pasturage du monde » arrosé par un lac si long et large qu’il ressemble à un fleuve. C’est exactement le paysage qu’offre aujourd’hui la route de Karakorum, qui relie le Pakistan à Kachgar, en Chine.
Mille deux cents kilomètres d’asphalte, tracés ou plutôt forcés à la dynamite. Vingt ans de chantier, au cours desquels un millier d’ouvriers ont perdu la vie (accidents, avalanches, éboulis). La route slalome entre les sommets enneigés, qui se reflètent dans des lacs géants: le Karakul, le Bezekkul, le Shorkul. Sur leurs rives grasses et vertes paissent des yacks et des moutons, gardés par des nomades kirghiz, qui installent leurs yourtes (démontables et transportables) là où les mènent leurs troupeaux. Certains sont devenus sédentaires et vivent dans des yourtes en béton, avec panneaux solaires et paraboles. Au bord de la route, au cas où quelqu’un passerait. Histoire de vendre quelques babioles, comme leurs chapeaux kalpak (coniques et en feutrine) ou de faux lapis-lazulis…
Marco Polo est entré en Chine via la chaîne du Pamir, dans la province du Xinjiang. Des sommets qui culminent presque à 8000 mètres et des lacs de montagne. Les nomades de la minorité kirghize y pratiquent l’élevage.
Contrairement aux apparences, nous sommes bien en Chine populaire. Dans la lointaine province du Xinjiang, république autonome depuis 1955. Grande comme trois fois la France, elle ne recense que 20 millions d’habitants, dont 50% de Ouïgours, turcophones et musulmans, et plusieurs minorités: Ouzbeks, Tadjiks, Kirghiz, Mongols, entre autres. Le reste de la population est constitué de Hans (1). Une cohabitation parfois explosive: en juillet 2009, des affrontements intercommunautaires, suivis d’une répression draconienne de la police chinoise, ont fait 200 morts. Désormais, à Kachgar, l’ordre règne. Sur la place du Peuple (où s’élève une statue de Mao), les troupes anti-émeutes, harnachées à la façon des samouraïs, veillent au grain. Maniant carotte et bâton, Pékin a aussi décidé d’investir (un milliard d’euros par an) et de transformer Kachgar en nouveau Shanghaï d’ici à 2020…
De sorte que notre voyageur aurait du mal à reconnaître sa «Cascar» (2). Il faut se promener dans la vieille ville, qui se réduit comme peau de chagrin face à l’inexorable bourgeonnement des immeubles modernes, pour trouver trace des maisons en adobe, dotées de « moult biaus jardins et vignes ». Ici, les habitants ne parlent pas le mandarin mais « langue par eulz » (le ouïgour). Au bazar (3), on vit toujours « d’ars et de marcheandise ». Les échoppes se regroupent par spécialités : charpentiers, menuisiers, ferronniers et autres apothicaires. Ces derniers ne sont pas les moins spectaculaires. Adeptes de la pharmacie traditionnelle, fondée sur la théorie des humeurs et des fluides, ils exposent leurs remèdes miracles: serpents (macérés ou desséchés), peaux de lézard ou de crapaud (qu’on réduira en poudre), potions à base de sang de pigeon (aphrodisiaques), ou encore cette insolite patte d’ours dont la graisse – utilisée en onguent – aurait des vertus fortifiantes et tonifiantes!
La statue de Marco Polo, à Zhangye, une ville où le Vénitien a passé une année. Les habitants n’ont pas oublié celui qui fit connaître la Chine à l’Occident.
Après Kachgar, deux chemins s’offrent aux caravanes: le nord ou le sud. Il s’agit d’éviter le Takla-Makan, désert mouvant de 370.000 km2, appelé « mer de la mort » par les Ouïgours. Les Polo optent pour le sud et les oasis qui le contournent: Yarkand, Hotan, puis Dunhuang. Malgré cette élémentaire précaution, la progression est périlleuse, à cause des bourrasques et des tempêtes de sable, qui font la sinistre réputation de l’endroit. A tel point que l’auteur du Devisement manque de se perdre (aveuglé jusqu’à ne plus discerner ses compagnons), croit entendre des voix, des démons, des esprits. En fait, ce phénomène – authentifié – n’a rien de surnaturel. Selon le CNRS, qui l’a étudié et décrypté (en l’enregistrant), les sons quasi humains du Takla-Makan sont produits par le déplacement et le sifflement des sables.
Située en plein Far West chinois (au propre comme au figuré) et donc au milieu de nulle part, Hotan a la chance d’être irriguée par deux cours d’eau, le Karakash et le Yurungkash, qui charrient des montagnes la matière la plus précieuse de tout l’empire du Milieu (plus que l’or et les diamants): le jade. Ce que Marco Polo appelle « jaspe et chalcédoine ». Le jade de Hotan, blanc et translucide, est le plus rare, donc le plus cher. Fouillées, creusées, draguées par les prospecteurs, les deux rivières ressemblent désormais à des termitières surmenées, d’où l’on extrait de moins en moins chaque année.
Reste que les Hans de Pékin, Canton ou Shanghaï n’hésitent pas à faire le voyage pour s’approvisionner. On les voit fureter, en bermuda et chapeau de cow-boy, au bazar de la mosquée entièrement voué au jade. Ils sont aisément reconnaissables car, chez les Ouïgours, la mode est plus sobre: face voilée pour les dames; calotte et barbiche pour les messieurs. Avec une loupe et une torche, ces avisés businessmen inspectent, comparent, marchandent. Les prix qui circulent sont proprement affolants : 50.000 yuans (5000 euros) par-ci, 100.000 yuans (10.000 euros) par-là ! Mais, ainsi que le constate un badaud ouïgour: « Ils seront revendus cent fois plus cher dans les boutiques de Pékin ! »
La forteresse de Juyayuguan marquait les confins de l’empire chinois. A l’est, la civilisation. A l’ouest… les barbares.
C’est à Dunhuang que se termine l’épreuve du désert. Ici, dans la province du Gansu, se rejoignent les voyageurs du sud et ceux du nord, pour continuer vers le levant. Autres lieux, autres mœurs: les habitants n’y sont ni nestoriens ni sarrasins, mais « ydolastres » ou « ydres ». C’est sous ce vocable que Marco Polo (messager du Vatican, ne l’oublions pas!) désigne les bouddhistes, qui ne se revendiquent d’aucune religion du Livre. Proche du Tibet, le Gansu est alors une terre de prosélytisme pour le lamaïsme. Le Vénitien est marqué par le nombre et le luxe des lieux de culte, où les autochtones vénèrent leurs « ydoles » (bouddhas, bodhisattvas et apsaras). De fait, Dunhuang, devenue attraction touristique (les chameaux, numérotés comme au tiercé, ne servent plus qu’à promener les touristes dans les dunes), est célèbre pour les 492 grottes de Mogao, toutes proches. La « Sixtine du bouddhisme », selon les brochures qui, pour une fois, ne mentent pas !
Une superficie de peintures murales de 45.000 m2, réalisées dans les alvéoles d’une falaise, entre le IVe et le XIVe siècle. Inscrites au patrimoine mondial de l’Unesco, elles sont aussi jalousement protégées et préservées (l’interdiction de photographier est absolue) par les autorités locales. Le sujet est sensible. Car l’histoire de ces sanctuaires rupestres réveille de douloureux souvenirs chez les Chinois. Tombés dans l’oubli, ils ont en effet été exhumés par les explorateurs-archéologues Aurel Stein (un Anglais) et Paul Pelliot (un Français) en 1907-1908 (4). Ces aventuriers érudits (Pelliot parlait treize langues et l’histoire de Marco Polo n’avait aucun secret pour lui) réussirent à soudoyer le gardien des lieux et à rapporter dans leurs pays respectifs des milliers de chefs-d’œuvre. Pillage pour les uns, sauvetage pour les autres…
Tous les dimanches, à Kachgar, un immense marché aux bestiaux (des moutons jusqu’aux chameaux)peut attirer 100.000 personnes, venues de toute la région ouïgoure.
Après Dunhuang, Marco Polo s’engouffre dans le corridor du Hexi, passage obligé vers la Chine proprement dite. Un monument symbolise cette césure entre deux mondes, celui des Chinois (sédentaire et raffiné) et celui des non-Chinois (nomades et/ou barbares): la citadelle de Juyayuguan (passe imprenable sous le ciel). Ce fortin marquait les confins de l’Empire. On plaignait tellement les malheureux contraints de s’aventurer (commerçants mais aussi condamnés ou exilés) au-delà, vers les espaces hostiles de l’Asie centrale, que sa porte ouest fut baptisée Porte des soupirs. A ses pieds court une murette rachitique et délabrée, tout juste bonne à délimiter un enclos à bestiaux: ce à quoi ressemblait véritablement la Grande Muraille à l’époque de Marco Polo (5).
En trois heures de voiture sur la route 312 (la Mère des routes, qui traverse la Chine d’est en ouest sur 5000 kilomètres), nous arrivons à Zhangye, où Marco Polo indique avoir séjourné un an pour ses « besoignes » (affaires, ndlr). Nous y avons vu le plus grand bouddha couché (en position du nirvana) de Chine, long de 35 mètres et plaqué d’or, ainsi qu’il est décrit dans Le Devisement. Surtout, nous y avons déniché une statue de Marco Polo, la seule de notre périple chinois! Elle figure notre voyageur jeune et mince, play-boy en pourpoint, regard perdu vers l’horizon. Romantique à souhait. Un hommage de la municipalité assez récent: 2003. Pour que l’Italien n’ait pas le mal du pays, le maire a complètement remodelé l’architecture de la rue : les façades, délicieusement kitsch, s’inspirent des palazzos vénitiens. Sauf qu’on n’a jamais vu de colonnes doriques à Venise! Peu importe, c’est l’intention qui compte…(Le Figaro.Mag-06.08.2010.)
(1) Terme qui désigne les Chinois de souche, l’ethnie majoritaire du pays (93% de la population).
(2) En sept siècles, la toponymie des lieux (déjà altérée à l’origine par la traduction en français) a fortement évolué. Dans Le Devisement, les villes de la route de la soie, entre le Pamir et Pékin, ont été renommées : Cascar devient Kachgar; Cocam, Hotan; Sacion (ex-Shazhou), Dunhuang; Campicion, Zhangye, etc.(3) Distinct du bazar quotidien, un immense marché de plein air se tient chaque dimanche hors la ville. On y achète notamment les animaux de bât ou de trait: chameaux, mulets… Il peut réunir jusqu’à 100.000 personnes, venues de toute la région.(4) Ces découvertes attirèrent d’autres explorateurs, comme l’Allemand Albert von Le Coq et le comte japonais Otani.(5) La Grande Muraille telle que nous la connaissons a été édifiée ultérieurement, sous la dynastie Ming
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Interesting…
That’s kind of… abrupt.