Des milliards de microfragments de plastique dérivent à la surface de la Méditerranée
7 01 2011Oiseaux marins, tortues, poissons ingèrent les débris de plastique qui flottent à la surface des eaux.
Il n’y avait aucune raison que la Méditerranée soit épargnée. Les premiers résultats de l’expédition MED (Méditerranée en danger), qui a débuté l’an dernier et doit se poursuivre jusqu’en 2013, révèlent en effet que des milliards de microfragments de plastique dérivent à la surface de cette mer. Des constats identiques ont été révélés ces dernières années dans le Pacifique aussi bien que dans l’océan Atlantique.
Initiée par des passionnés bénévoles, l’expédition est adossée à une dizaine de partenaires scientifiques dont l’Ifremer, l’Observatoire océanologique de Villefranche-sur-Mer, les universités de Liège, de Gênes, de Nice ou encore de Toulon… À partir des prélèvements effectués lors de la première campagne l’été dernier sur les côtes françaises, celles du nord de l’Italie et du nord de l’Espagne, «on évalue environ à 500 tonnes la quantité de plastique qui flotte en Méditerranée», souligne François Galgani, de l’Ifremer. «Soit une concentration supérieure à celles des gyres océaniques», ajoute le scientifique, autrement dit les grands tourbillons formés de plusieurs courants marins qui, dans les océans, concentrent ce même type de déchets.
Pour l’heure, le problème est avant tout environnemental. «Chaque année, on estime que plus de 100.000 animaux marins et notamment des tortues meurent après s’être retrouvés emprisonnés dans un sac plastique ou avoir ingéré un déchet flottant… Et en mer, 60 à 80% des débris sont du plastique», précise une étude sur le gyre du Pacifique Sud publiée en 2009 dans Marine Pollution Bulletin.
Les premières études menées sur les oiseaux ont révélé des contaminations assez incroyables. Les fulmars qui vivent et se nourrissent dans la zone la plus polluée de la mer du Nord ont fréquemment «0,6 g de déchets dans leur estomac», peut-on lire dans un rapport du centre de recherche de la Commission européenne d’avril dernier. Si les scientifiques ne sont pas en mesure d’établir un lien avec la santé de ces oiseaux, ils expliquent néanmoins que, toutes proportions gardées, «c’est comme si un homme avait environ 60 g de déchets plastiques dans l’estomac. Il y a fort à parier que l’on considérerait cela comme dangereux et que l’on agirait immédiatement!»
En Méditerranée, Jean-Henri Hecq, biologiste et maître de recherches à l’université de Liège, s’est penché pour sa part sur la place de ces microfragments de plastique dans le zooplancton. «On s’est rendu compte que là où il y a du zooplancton, il y a des microdéchets de plastiques de taille identique et dans les mêmes proportions », précise le scientifique.
Poissons décortiqués
Quel effet cela a-t-il sur les larves et juvéniles de poissons qui, en se nourrissant, absorbent vraisemblablement autant de plastique que de plancton? «On soupçonne deux conséquences, souligne le biologiste, des risques mécaniques tels que des occlusions et des risques écotoxicologiques», ajoute-t-il, avec les polluants qui sont susceptibles de passer dans les tissus. Au point de présenter des risques pour la consommation humaine ? Si les scientifiques estiment cette question extrêmement prématurée, «il est légitime de se la poser», insiste Bruno Dumontet, le chef de l’expédition, et c’est en Italie que des poissons sont actuellement décortiqués pour être analysés.
Le fait que ces microdéchets servent très facilement de support pour des petites algues notamment est une autre source d’inquiétude. Au gré des courants, ces débris parcourent en effet des milliers de kilomètres et peuvent favoriser dès lors le développement d’espèces invasives. Sans oublier que certains de ces plastiques persistent des centaines voire des milliers d’années. «L’analyse récente d’un albatros montre qu’il avait avalé du plastique provenant d’un avion abattu 60 ans auparavant à quelque 10.000 kilomètres de là où était l’oiseau», peut-on lire dans une étude publiée par la Royal Society.
Pour Bruno Dumontet, tous ces indices sont autant de raisons de poursuivre la campagne qui, cet été, doit explorer durant trois mois les côtes de l’Afrique du Nord avant de remonter par le sud de l’Italie. Les plastiques représentent 10% des déchets. Petit encouragement: les quantités retrouvées en mer semblent se stabiliser. Grosse inquiétude: il reste tout le stock à gérer! (Le Figao-07.01.2011.)
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**La migration des tortues luths dans l’Atlantique Sud
Les populations de tortues luths sont aujourd’hui en danger. D.R.
Le trajet de cet animal emblématique a été suivi pour la première fois par des balises.
Mais où vont les tortues luths lorsqu’elles quittent les côtes du Gabon, un des hauts lieux de leur reproduction? En plaçant des petits émetteurs sur 25 femelles, des chercheurs de l’université d’Exeter, dans le sud-ouest de l’Angleterre, ont ainsi pu découvrir les routes empruntées par ces monstres marins dont certains traversent l’océan jusqu’en Amérique du Sud, pouvant ainsi parcourir plus de 7000 kilomètres!
Elles vont se nourrir durant ces incroyables périples et reconstituer leurs réserves avant de revenir au bout de deux, trois, voire cinq ans sur les lieux de pontes. Trois grandes routes migratoires ont été empruntées par ces tortues: la première les emmène au centre de l’Atlantique entre l’Afrique centrale et le Brésil, une autre les conduit très au sud au-delà du cap de Bonne-Espérance et enfin, la plus longue, les emmène jusqu’en Amérique du Sud. «Nous ne savons pas ce qui influence ce choix», explique Matthew Wit, l’un des chercheurs de l’université britannique, «mais nous savons que ce sont des voyages incroyables».
Déclin rapide
L’intérêt de telles recherches est de permettre une meilleure organisation de leur protection. Les populations de tortues luths qui sont les plus grandes parmi les espèces de tortues marines – elles pèsent 500kg en moyenne et peuvent mesurer jusqu’à deux mètres – sont inscrites sur la liste rouge de l’IUCN (International Union of Conservation of Nature).
«Dans l’océan Pacifique, leur population a connu un déclin très rapide sans que l’on voie aucun signe de rebond», précise en effet l’étude publiée mercredi dans la revue Proceedings B de la Royal Society. «La population de l’Atlantique Nord a connu des évolutions variables: certaines décroissent, d’autres sont stables, d’autres augmentent», précisent encore les scientifiques. Quant à la population des tortues de l’Atlantique Sud qui se reproduisent sur un territoire centré sur le Gabon, «leur évolution reste incertaine», soulignent les chercheurs. Cette population est l’une des plus importantes au monde puisque près de 40.000 femelles ont été recensées.
La principale cause du déclin constaté dans le Pacifique pourrait être la pêche. Un constat inquiétant pour les scientifiques sachant que les tortues qui traversent l’Atlantique croisent également les chalutiers. «Toutes les routes empruntées par les tortues luths les entraînent dans des secteurs très risqués en termes de pêche, la population de l’Atlantique est réellement en danger», estime à son tour Brendan Godley, qui a également participé à la publication. Cette nouvelle étude pourrait donc apporter de précieux renseignements pour élaborer des stratégies de conservation. (Le Figaro-05.01.2011.)
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